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Le journal de Pok
12 août 2023

"Paradise" de Boris Kunz, Tomas Jonsgården et Indre Juskute : Paradis pour tous ?

Paradise affiche

Comme, depuis le triomphe artistique de Dark, on a plutôt confiance dans la capacité du cinéma allemand à produire de la SF de très haut niveau, délestée des scories typique du genre aux US, la mise en ligne de ce Paradise sur Netflix, bien reçu commercialement, nous a plutôt alléchés. Et ce d’autant que le thème était prometteur : dans un futur proche, où la question des réfugiés a atteint une ampleur catastrophique, une entreprise privée, AEON, a mis au point une biotechnologie permettant d’échanger des années de vie entre « donneurs » (qui seront rétribués grassement en échange) et « receveurs » (faisant forcément partie de la frange la plus aisée d’une société ultra-inégalitaire). Max (Kostja Ullmann, adéquat), vendeur talentueux, profite sans scrupules de la misère des uns pour réussir professionnellement, jusqu’au jour où il va être obligé d’affronter personnellement les conséquences atroces de cette marchandisation de la vie humaine…

Et force est d’admettre que les quarante-cinq premières minutes de Paradise sont remarquables, à la fois passionnantes (la découverte de cette technologie et de ses conséquences dans une société capitaliste de plus en plus inhumaine, et hypocrite) et très stressantes (l’identification du téléspectateur fonctionne à fond, ce qui est à mettre au crédit de la mise en scène, soignée et rigoureuse).

Le problème est que la seconde partie du film, qui dure deux heures, est assez ratée, et dilapide rapidement le crédit accumulé jusque là. Alors que nos héros fuient vers la Lithuanie et affronteront la milice privée d’AEON, on change de ton et de genre en lorgnant vers le thriller d’action, beaucoup plus ordinaire. Plus grave, l’écriture du film semble abandonner toute rigueur, et on doit croire à des personnages qui changent d’avis sans crier gare sur les questions les plus fondamentales soulevées par le sujet du film. On a également droit à deux personnages de « méchants », Viktor le mercenaire fatigué (l’excellent Numan Acar, déjà vu dans In the Fade et la série Homeland) et Kaya la tueuse impitoyable, auxquels on s’intéresse, et que le scénario abandonne sans trop de façons. Tout ceci avant une fin qui est loin d’être stupide, mais paraît plus bâclée qu’autre chose.

On reste donc frustrés à la fin de Paradise, devant le manque de transformation du potentiel élevé du sujet, et on a, pour une fois, le sentiment que le film aurait mérité une quinzaine de minutes de plus pour mieux représenter ses idées, en sacrifiant également certaines scènes de thriller inutiles. Sans même mentionner que le fait – inhabituel – d’avoir trois réalisateurs différents, chacun chargé d’une partie du film, concourt probablement à ce sentiment désagréable de décrochage entre la première partie du film et la suite.

Et si le problème de Paradise, c’était justement le fait qu’il s’agit d’un film « en manque d’auteur » ?

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