"Colin from Accounts" de Patrick Brammall et Harriet Dyer : un jour, un chien...
Un jour, un chien s’échappe de chez lui, pour se faire rapidement renverser par la voiture de Gordon, dont l’attention à été détournée par Ashley qui lui a brièvement exhibé un sein en traversant la rue. Grièvement blessé et paralysé des pattes arrières, le chien va devenir un fardeau pour ce drôle de couple réuni par l’accident… Mais un fardeau qui va peu à peu les rapprocher et changer leur vie. Le nom du chien ? Eh bien, ce sera Colin. Colin from Accounts (c’est-à-dire « Colin de la Comptabilité » !). Et derrière ce drôle de nom, qui est aussi le titre de cette courte série australienne (8 épisodes de 30 minutes), se cache une drôle de rom com, qui réussit à régulièrement nous surprendre tout en respectant totalement les codes du genre. L’histoire est d’une telle évidence dans son déroulement qu’il semble difficile de croire que l’on puisse tomber si rapidement sous le charme de ses personnages et que l’on vibre autant devant les péripéties de leur histoire d’amour si longtemps retardée (When Harry Meets Sally étant ici la référence, dûment citée par Gordon, qui a dépassé la quarantaine et a des références classiques de boomer…).
Car l’un des grands charmes du scénario de Colin from Accounts, c’est sa capacité à changer de registre, tout en montant en puissance émotionnelle. Les deux premiers épisodes sont largement burlesques, avec des pointes scatologiques joliment délirantes, tandis que les derniers épisodes deviennent franchement tristes, voire dépressifs, quand l’histoire assume et affronte le fossé qui sépare Gordon et Ash : le couple franchement constitué, réticent à annoncer leur idylle à un monde extérieur hostile, ou tout au moins totalement dysfonctionnel, va se prendre la réalité en pleine face. Au fur et à mesure des épisodes, le rire s’est fait de plus en plus sporadique, voire de plus en plus… nerveux… L’épisode final, que l’on ne dévoilera pas ici, assume complètement la détresse profonde de ses personnages, au sein d’un monde littéralement invivable, tant l’hostilité latente qui règne, est asphyxiante. La conclusion est belle, même si elle confirme que la bienveillance n’est pas de mise quand la société part en vrille : une drôle de conclusion noire pour une comédie romantique dont le téléspectateur aura désiré – en vain – qu’elle soit le plus rose possible.
Les deux acteurs principaux, Patrick Brammall et Harriet Dyer, inconnus chez nous (même si Harriet a joué dans Invisible Man aux côtés d’Elisabeth Moss…), sont aussi les scénaristes et créateurs de la série. Mieux, ils sont mariés dans la vie, et logiquement, ils sont parfaitement crédibles à l’écran, avec une alchimie visible entre eux, mais aussi un vrai naturel lorsqu’il s’agit que dépeindre les difficultés de construire un couple alors que chacun apporte avec lui un lourd bagage, mélange de traumatismes familiaux, d’histoires d’amour ratées et d’amis plus ou moins sincères et plus ou moins toxiques. Et comme dans toute bonne comédie, les seconds rôles sont essentiels à la dynamique du récit, et c’est bien tout le casting qui fonctionne impeccablement, animant avec enthousiasme une véritable galerie de monstres ordinaires : on n’est pas prêt d’oublier des personnages comme le répugnant Lee (Darren Gilshenan) dans le sixième épisode (The Good Room), ou à l’opposé du spectre, le truculent Brett (Michael Logo) !
L’histoire pourrait continuer dans une seconde saison, mais, telle quelle, avec sa durée de 4h d’où sont exclues toutes longueurs, redites ou réelles sorties de route vers d’autres histoires secondaires, Colin From Accounts frôle la perfection. Et si on en restait là ?