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Le journal de Pok
18 juin 2023

Sparks au Grand Rex (Paris) le mardi 13 juin

2023 06 13 Sparks Grand Rex (33)

21h : « So May We Start ? » : l’intro d’Annette résonne dans un Grand Rex que l’on sent remonté à bloc, en dépit de la position assise, totalement aberrante pour un show de Sparks. Les Frères Mael sont accompagnés de quatre musiciens – deux guitares, une basse, une batterie – dans un format rock (alors que le dernier album sorti, The Girl Is Crying in Her Latte, pouvait laisser craindre un retour à une formule electro dépouillée !) qui va transcender les morceaux les plus synthétiques de la setlist. Et oui, même un réfractaire aux beats synthétiques comme Mr. Dauge va devoir admettre que les chansons des années 80/90 jouées ce soir passaient comme une lettre à la poste !

Mais parlons de la setlist, certainement l’une des plus intéressantes, de mémoire, d’un concert parisien de Sparks – car cette liste sera en grande partie la raison du triomphe presque inattendu de cette soirée, qui va peu à peu devenir exceptionnelle ! Après The Girl Is Crying in Her Latte en inévitable coup d’envoi du concert, et une version de Angst in My Pants (grande chanson !) malheureusement en pilotage automatique, tout va littéralement exploser : le titanesque Beaver O’Lindy, soit le titre qui nous avait fait aimer Sparks en 1973, et que les Frères Mael ne jouaient jamais, à ma connaissance, sur scène, c’est une véritable décharge électrique qui secoue le Grand Rex, entre les déflagrations de guitares saturées et les passages en forme de valse baroque et décadente, voilà la quintessence du Sparks glam : « Well, I'm the girl in your head but the boy in your bed », quelle phrase quand même !

A partir de là, il y aura peu de moments plus faibles : When I’m With You, la chanson pour la France, est passée à la chaise électrique mode « Kimono My House », Nothing Is as Good They Say It Is confirme qu’elle aurait pu figurer sur Propaganda, et on en arrive très vite à Balls. Balls c’est un cas d’école, une chanson oubliée et médiocre sur l’un des plus mauvais albums de Sparks, qui est revisitée ce soir sur un beat différent, reconstruit, et qui conjugue parfaitement ambiance quasi technoïde et guitares énervées. Tout le monde se lève (sauf les gens du premier rang à gauche, ça doit être des invités, on ne voit que ça comme explication !). C’est la ruée vers la scène, et vers les espaces où l’on pourra danser. C’est aussi le début de notre confrontation avec le service d’ordre, mais n’y revenons pas…

Autre gros délire de la soirée, l’interprétation par Ron du lunaire Shopping Mall of Love : avec les « Yeah » atones débités par Ron, on est en plein moment dadaïste, et on confirme – ce qui n’est nécessaire pour aucun des 1800 fans présents ce soir – combien Sparks savent habilement flirter avec l’expérimental sans jamais perdre leur sens de l’humour.

2023 06 13 Sparks Grand Rex (34)

On ne va pas exagérer en explicitant chaque interprétation de chacun des 21 titres de la setlist, vous n’aviez qu’à être là, on soulignera seulement les plus hauts sommets de la soirée : l’inclusion du totalement oublié The Toughest Girl in Town (de Interior Design) qui militerait pour un réexamen sérieux de la discographie complète du groupe, une interprétation absolument sublime du déjà remarquable Bon Voyage, dédié à Leos Carax, l’ambiance club de Music That You Can Dance To (oh, que les videurs étaient irrités à ce moment-là, quand un couple improvisé s’est mis à quasiment valser sous leurs yeux !), et puis la danse rituelle de Ron sur The Number One Song in Heaven, et puis l’hystérie générale sur le tout aussi inévitable This Town Ain’t Big Enough.

Mais le meilleur restait à venir, après l’extrait le plus pince-sans-rire du dernier album, Love Story (où comment je sors acheter de la drogue dans la rue en disant que c’est pour la femme que j’aime… encore un texte au rasoir de l’ami Ron !), Sparks nous offrent une version stratosphérique de My Baby’s Taking Me Home (répété 88 fois !!!) qui nous permet enfin de basculer dans l’hystérie au moment parfait où les guitares électriques se transforment en tornade. Et puis on se quittera les larmes aux yeux avec le grand « finale » de All That, qui est devenue, à notre avis, depuis sa sortie en 2020, la plus belle chanson de Sparks : « All that we've done / We've lost, we've won / All that, all that and more / All that we've seen / We've heard, we've dreamed / All that, thanks for the loan », ces paroles en forme de bilan d’une vie pleine de bonheur et d’espoir aussi, que l’on chantonnera une fois encore jusqu’au bout de la nuit…

Une chanson qui illustre parfaitement là où Ron et Russell sont arrivés après une longue trajectoire de plus d’un demi-siècle : au sommet. Non pas des charts et de la fortune, mais dans nos cœurs, ce qui semble bien être aussi pour eux le plus important.

Ron et Russell ont comme chaque fois des difficultés à quitter la scène et leur public, et ce sont de longues minutes de face à face et de remerciements mutuels. Un long face à face qui irritera une dernière fois le service d’ordre (qui empêchera d’ailleurs Thierry Dauge de remettre son livre aux frères, même si l’on sait de toute manière que, depuis le Covid, Ron et Russell pratiquent la distanciation !). De notre côté, les bannières habituelles sont déployées (« Merci, Ron et Russell, merci ! »), et du leur, on fait le selfie traditionnel. Ron et Russell y vont de leur discours final (en anglais pour Ron, en français pour Russell), et il va bien falloir se quitter après une heure trois quart de bonheur quasi absolu.

Immense. Et c’est tout !

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