"Extrapolations" de Scott Z Burns : un désastre pas climatique, celui-là…
Dans des États Unis encore globalement climato-sceptique-, ou tout au moins réticents à changer de mode de vie pour « sauver la planète », le monde du cinéma se mobilise pour faire passer le message : nous allons vers une vie future qui n’aura rien d’enviable si nous ne faisons rien aujourd’hui. Extrapolations s’inscrit dans cette démarche, avec un casting impressionnant : on croisera, dans des petits ou de plus grands rôles des acteurs de premier plan du cinéma, comme Meryl Streep, Edward Norton, Marion Cotillard, Diane Lane, Tobey Maguire, Forest Whittaker, Tahar Rahim, Heather Graham, mais aussi des visages célèbres de la série TV comme Kit Harington, David Schwimmer, Mathew Rhys, Daveed Diggs ou Keri Russell. On a même droit à ce bon Ben Harper venu pousser la chansonnette avec une guitare futuriste ! Et tout ce beau monde se met au service d’un projet ambitieux, voire délirant d’un Scott Z Burns, dont la crédibilité par rapport au projet se résume au scénario de Contagion, film assez moyen de Soderbergh qu’on voit a posteriori – et de manière un peu exagérée – comme prémonitoire de la crise du Covid.
Le concept d’Extrapolations, c’est, comme son titre et son générique l’indiquent, d’extrapoler l’évolution d’un certain nombre de paramètres-clé mesurant la vivabilité de notre planète, en fonction de l’augmentation de la température moyenne : s’étalant sur une période de 2037 à 2070, chaque épisode nous décrit à travers la description d’événements politiques, intimes ou globaux, l’impact terrifiant de notre inaction actuelle.
Extrapolations pose très vite au téléspectateur plusieurs problèmes, et de taille : d’abord, son militantisme profondément dépressif ne convaincra que ceux qui le sont déjà, tandis que les autres rejetteront la série en tant que délire apocalyptique de SF comme tant d’autres peuplant nos écrans depuis une bonne décennie. Ensuite, sa logique est lourdement problématique, caressant dans le sens du poil l’optimisme US quant à la possibilité que la technologie, pourvu qu’elle soit mise entre de bonnes mains, nous sauvera forcément. C’est l’avidité du capitalisme qui est responsable de nos malheurs, et ce bon Kit Harington, frôlant le ridicule à chacune de ses apparitions, en clone de Jeff Bezos / Elon Musk, est là pour cristalliser de manière bien commode notre haine et notre mépris.
Le raisonnement d’Extrapolations s’apparente à un jeu enfantin : malheureusement, l’impuissance des gouvernants et les intérêts des nantis empêcheront la limitation de la hausse des températures ; heureusement, il y aura une ribambelle d’innovations technologiques qui permettra à l’humanité de survivre tant bien que mal ; malheureusement, il faudra être riche pour en profiter, et surtout pour s’enrichir en profitant des nouveaux besoins créés par l’inconfort et les problèmes de santé générés par la crise climatique ; heureusement, il y aura des héros qui se dresseront face au pouvoir pour mettre fin aux abus des puissants et faire que tout rentre dans l’ordre. Avec un happy end final que nous ne vous dévoilerons pas dans un dernier épisode (Ecocide) littéralement désastreux.
Car le plus gros problème de la série de Scott Z Burns, c’est bien son extrême médiocrité : en dépit des acteurs, des effets spéciaux impressionnants et de certaines bonnes idées (admettons-le de bonne grâce), quasiment rien ne fonctionne dans les 8 épisodes, privés pour la plupart de toute vie, de toute crédibilité humaine, avec des personnages sans aucune profondeur, et des scénarios quasiment tous conçus pour servir une démonstration que l’on veut imparable. Si les pires moments que nous font vivre Scott Z Burns et ses scénaristes, – et nous ne parlons pas ici de l’atmosphère profondément déprimante qui se dégage de la série tout entière- sont dans le premier et le dernier épisode, littéralement irregardables, il n’y a pas grand-chose à sauver dans les autres : la justesse émouvante de Tahar Rahim dans Lola, le 6ème épisode, la tension du thriller de Nightbirds (5ème épisode), et pas grand-chose d’autre. On ne pourra qu’assister avec incrédulité à la niaiserie du dialogue avec la baleine de Whale Fall (Notons que Cameron racontait la même chose dans son Avatar 2) ou aux stéréotypes usés et théâtraux du dîner de nouvel an de The Going-Away Party. Et si The Face of God propose un sujet vraiment intéressant en considérant les croyances irrationnelles en théories scientifiques farfelues, il n’en fait pas grand-chose d’intéressant : d’ailleurs la question du géo-engineering et de ses conséquences est balayée sans plus de considération dans les épisodes suivants, montrant que les scénaristes privilégient plus l’accumulation de nouvelles idées que la construction d’une storyline cohérente à laquelle le téléspectateur pourrait s’accrocher.
Naïveté ou malhonnêteté intellectuelle dans la perpétuation de l’illusion technologie déresponsabilisante, contradiction assumée entre la critique du capitalisme et la reconnaissance finale que c’est lui qui sauvera la planète, pauvreté tragique de l’écriture : plusieurs excellentes raisons de faire l’impasse sur cette série assez consternante.