"Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan" de Martin Bourboulon : palsambleu, encore raté !
Après tant et tant d’adaptations cinématographiques des Trois Mousquetaires depuis une première version muette en 1909 (on doit approcher la cinquantaine de films en tout !), on va bien devoir admettre que le chef d’œuvre de Dumas devrait être laissé tranquille. Et qu’il vaut mieux en conseiller la lecture – passionnante, divertissante, toujours moderne à beaucoup d’égards – à nos enfants plutôt que de les emmener au cinéma en espérant leur faire comprendre pourquoi il s’agit d’une œuvre géniale. Et ce n’est malheureusement pas la nouvelle version de Martin Bourboulon, en dépit d’un casting 4 étoiles qui fait a priori très envie, qui va changer quoi que ce soit à ce triste constat…
Déjà, au départ, Bourboulon n’est pas un nom qui fait rêver le cinéphile, si l’on se réfère à son palmarès de réalisateur (Eiffel, Papa ou Maman, ce genre de choses…), mais il faut reconnaître qu’il est directement responsable de l’un des plus pénibles défauts de ces Trois Mousquetaires : D’Artagnan, l’illisibilité complète des scènes d’action, naturellement nombreuses. Quand on pense à l’importance cruciale de la chorégraphie des duels à l’épée dans le cinéma dit « de cape et d’épée », pas si loin des principes de la comédie musicale classique ou de ceux des films d’arts martiaux, et qu’on considère la bouillie visuelle irregardable qui est à l’écran, on ne peut qu’être consterné. Et cela aggrave encore la situation d’avoir vu quelques jours plus tôt la manière remarquable dont sont filmées les innombrables scènes de combat dans John Wick 4. Sans même parler du fait que la séance d’avant-première du film à laquelle nous avons assisté était précédée d’une démonstration d’escrime dans la salle, dix fois plus spectaculaire et dynamique que ce que nous allions voir à l’écran.
Après, le second énorme problème du film est son scénario : alors qu’on rêvait que la durée étalée sur deux films de deux heures permette enfin de restituer toute la dynamique du récit « dumassien », voilà que le choix a été fait de purement et simplement réécrire une grande partie de l’histoire : exit la logique merveilleuse de l’enchaînement des incroyables rebondissements qui se succèdent dans le livre, exit la construction de personnages complexes et fascinants, bienvenue dans le monde sinistre des scénarios du XXIème siècle, avec leurs recours aux coïncidences et leur manque de logique systématique quant aux décisions, voire à la localisation des personnages. Faire ça à partir d’une histoire aussi bien composée que celle de Dumas, ce n’est vraiment pas sérieux !
Alors que c’est le principe des manipulations politiques pour conduire à un coup d’état et / ou une guerre qui fait la modernité des Trois Mousquetaires (Milady est bien l’ancêtre de nos barbouzes…), les scénaristes ont voulu pimenter tout ça en ajoutant des évènements qui sonneraient plus « contemporains » : passe encore que Porthos soit maintenant bisexuel pour faire plus « 2023 » (après tout, les mœurs de l’époque étaient en effet bien plus dissolues que de nos jours), on a plus de mal avec l’usage systématique d’armes à feu, en particulier dans l’absurde attaque terroriste au milieu d’un mariage royal… soit le genre de fantaisie qui décrédibilise encore plus toute l’entreprise.
Avec de vrais problèmes de rythme – tout va trop vite par rapport à la complexité potentielle des situations qui s’en retrouve laminée –, avec une image brunâtre et uniformément sombre bien peu séduisante, les Trois Mousquetaires : D’Artagnan ne peut plus compter que sur le talent de ses acteurs pour que le spectateur ne passe pas un trop mauvais moment. Et l’on doit reconnaître que le casting tout entier se donne beaucoup de peine pour nous divertir, avec une énergie constante qui réussit à sauver quelques scènes. Sans doute est-ce notre sympathie pour ces deux acteurs, mais il nous a semblé que c’était la paire Louis Garrel – Vicky Krieps, composant un couple royal (Louis XIII – Anne d’Autriche) qui transcendait le plus joliment les stéréotypes, apportant un décalage bienvenu avec le ton général du film. Il n’y a pas de petits bonheurs.
Quant à les Trois Mousquetaires : Milady, disons qu’on s’y risquera s’il y a encore une démonstration de vrais professionnels de l’épée en ouverture.