"Think of It" de Pamplemousse : Un nouveau volcan à la Réunion !
Jacobins que nous sommes en France, nous avons du mal à même imaginer que le bon rock français puisse être autre qu’hexagonal. Victimes des plus vieux clichés du monde, nous imaginons les Français des îles plutôt portés sur les rythmes chaloupés, associés à la chaleur des tropiques. Pamplemousse est là pour nous rappeler, d’une bonne claque en travers de la figure, que la rage et la frustration ne sont pas l’apanage, voire la chasse gardée des citadins stressés de l’hexagone. D’ailleurs, si l’on considère la situation politique et sociale de nos départements et territoires d’outre-mer, comment pouvons-nous être surpris de la colère qui se dégage de la musique volcanique du duo réunionnais ?
Basés à Saint-Denis de la Réunion, Sarah Lenormand à la batterie et Nicolas Magi à la guitare et au chant se passent cette fois du renfort d’un bassiste : Pamplemousse était auparavant en format trio, et avaient produit deux albums notables, Unsane vs RL Burnside vs George Michael et High Strung. Ils se réclament sans vergogne, et surtout sans nostalgie aucune, d’un rock hardcore US millésimé années 90, et leur credo est, sans surprise : émotions fortes et brutalité sans retenue. Ce troisième disque ne marque aucun repli vers une position plus confortable, plus accueillante, et la plupart des neuf titres composant Think Of It sont d’une virulence sans concession.
On commence par un Mexican Boy frôlant la perfection en ce qui concerne la mise à feu d’une charge d’explosifs. Les choses ne se calment pas, au contraire, avec Empty Pool et Derry, Maine (hommage à Stephen King ?), et il faut attendre le formidable One Million Doors pour réaliser que Pamplemousse sait aussi écrire des… chansons moins extrémistes : en fait, à ce moment-là, il y a quelque chose des Pixies de Surfer Rosa dans la manière négligente dont la voix, qui est un tantinet moins enragée (même si Nicolas s’y entend pour hurler à la manière de… Frank Black, justement), porte une mélodie accrocheuse.
Dans le même ordre d’idée, on pourrait bien imaginer que le lourd et sanglant Fat Hollywood est un titre non publié des sessions de Trompe le Monde (c’est, de notre part, un compliment !). Vicious Mind est peut-être le titre qu’on a le plus envie de retenir de l’album, parce qu’il résulte d’une accélération punk parfaitement satisfaisante, et aussi parce qu’on aime bien son moto : « I am a danger to anyone beside me » (Je suis un danger pour quiconque m’approche !). Cactus ralentit à nouveau le rythme, valse noisy pour nous faire danser au bord d’un chaos traversé de chutes de météorites, qui prend une étonnante ampleur au fil des minutes, et prouve s’il en était encore besoin que Pamplemousse peuvent évoluer. I’m Not Dietsch évoque le chaos grunge désespéré d’un Nirvana débutant, avant une conclusion étonnante : la très belle Ballade de Steve (avec un texte en anglais, quand même…) adopte une forme de redescente quasi mélancolique, remarquablement cinématographique, avant que la guitare ne nous rappelle que Pamplemousse maîtrise le « noise ».
Pamplemousse a fait la première partie du dernier concert de Fuzz au Trabendo, et n’a pas démérité devant un public pourtant avide de voir l’idole Ty Segall à l’œuvre : une autre preuve s’il en fallait de la maturité d’un groupe qu’il va falloir suivre de près.