"Mort de rire" de Jean Lacombe : à l’École nationale de l’humour du Québec…
Ah, faire rire les autres ! Quel bonheur ! Mais en faire son métier, son gagne-pain ? Quelle épreuve, quel chemin de croix ! Voilà, résumé de manière sibylline le sujet de Mort de rire, la BD québécoise qui voit Jean Lacombe, auteur réputé, chroniquer ses visites à l’ENH (École nationale de l’humour), où il a passé du temps au côté des élèves, jeunes aspirants à la stand up comedy, et à leurs professeurs.
Lacombe explique que, hormis les deux protagonistes principaux de son livre, tous les personnages de Mort de rire sont les « vrais gens » qu'il a fréquenté, et les situations décrites ici, certaines très drôles, d’autres beaucoup moins, sont basées sur des anecdotes et des faits réels. Mais ce sont, logiquement, Reda – qui entre à l’école et espère échapper à son avenir tout tracé dans l’entreprise des pompes funèbres familiales – et Yvonne – étudiante de deuxième année qui galère dans la vie, comme beaucoup de jeunes femmes de son âge, et qui doit se faire connaître et percer – qui vont rendre cette série de vignettes et de courtes histoires attachantes. Qui vont cristalliser le propos de Lacombe.
Car finalement, ce que nous raconte Mort de rire sur les épreuves de la confrontation, soir après soir, de ces jeunes humoristes avec un public la plupart du temps indifférent, parfois hostile, exceptionnellement enthousiaste, mais aussi sur le travail que représente la transcription des menus faits de la vie quotidienne en histoires qui fassent rire, n’est pas d’une folle originalité. Sans doute parce que tout ce qu’on lit ici, ou à peu près, on l’a déjà vu, parfois en bien mieux, raconté dans la série TV La Fabuleuse Madame Maisel, on a d’abord du mal à entrer dans le livre de Lacombe, qui nous semble ça et là un peu superficiel, comme survolant un sujet qui mérite plus qu’une centaine de pages trop vite lues.
Ou tout au moins, c’est ce qu’on ressent jusqu’à la dernière partie du livre, celle qui voit le rire s’éteindre, les drames personnels se nouer : on comprend alors où Lacombe a voulu en venir, avec cette construction en mode « slow burn » de son histoire, et pourquoi il fallait d’abord en passer par la surface pour toucher au sujet lui-même.
Sinon, le dessin crayonné de Lacombe est d’une remarquable élégance, avec un dynamisme des mouvements et une expressivité des visages qui force l’admiration, et la pétulance de la langue québécoise est un ravissement constant, offrant un bonus spécial dépaysement aux lecteurs de l’hexagone.
Bref, on n’est certainement pas « morts de rire » en refermant le livre, mais on a certainement un peu le cœur froissé : ce n’est pas si mal !