"Coeurs Noirs" de Dang Thai Duong et Corinne Garfin : Sans cerveau, sans cœur, sans âme...
Cœurs Noirs part avec un certain nombre de handicaps, au moins dans notre esprit : ce projet franco-français arrive tardivement après de nombreuses séries TV consacrées à l’Irak, à la Syrie, au Moyen-Orient de manière générale, et il a été réalisé avec le soutien de l’armée (française) dans le but de témoigner des compétences nationales en termes de lutte contre DAECH ou Al Qaeda. S’il s’agissait de challenger le leadership US et israélien en matière de représentation télévisuelle du chaos moyen-oriental et de dénonciation des méfaits locaux du terrorisme, autant reconnaître d’emblée que Cœurs Noirs est un échec…
Le sujet – destiné à rassurer le bon peuple quant au fait que le gouvernement français et ses militaires veillent sur lui – tourne autour des opérations visant à repérer, récupérer et rapatrier les citoyens français partis faire le Jihad, principalement sous la bannière de Daech en Irak et en Syrie. Nos héros tricolores sont une équipe de militaires supérieurement armés et d’agents du renseignement talentueux, tentant de capturer un émir du Jihad, puis de retrouver sa fille et son petit-fils, condition sine qua non à la collaboration susdit émir. Ah, et tout cela se passe en 2016, juste au moment où débute la bataille de Mossoul. Bien entendu, ce faisant, nos héros vont contribuer à démanteler divers attentats « post-13 novembre » sur le sol français !
Tournée au Maroc avec une pléthore de matériel prêté par l’armée française, Cœurs Noirs bénéficie au moins d’une certaine crédibilité visuelle… mais c’est à peu près tout ce qu’on peut dire de vraiment positif sur une série qui s’avère dans l’ensemble mal écrite, mal jouée et mal réalisée…
Mal écrite, car les scénaristes autour de Dang Thai Duong et Corinne Garfin (qui ont tous deux collaboré à quelques épisodes du Bureau des Légendes, soit LA référence française en la matière…) s’ingénient curieusement à ne pas suivre les pistes qu’ils ont eux-mêmes ouvertes (comme la débâcle dans les tunnels du premier épisode, dont on s’empresse d’oublier la recherche des causes), et à avancer à toute allure sans se préoccuper d’aucune réelle cohérence narrative… Pire, Cœurs Noirs ne travaille jamais sérieusement les vrais sujets que son sujet imposait pourtant : les séquelles psychologiques chez les militaires autant que chez les ex-djihadistes, les rapports de l’armée avec la population locale, la coordination avec les autres forces combattantes, l’impact de ces opérations sur l’image de la France au Moyen Orient, etc…
Mal jouée par une équipe de comédiens qui ne fonctionne jamais de manière crédible, ni du point de vue humain ni militaire. Avec au premier plan un Nicolas Duvauchelle qui a tout de l’erreur de casting, et frôle régulièrement le ridicule lorsqu’il mime la douleur (j’ai la larme à l’œil) ou la colère (je casse des meubles), et qu’on peine à imaginer en soldat ou, pire encore, en responsable d’une opération complexe…
Mal réalisée car Ziad Doueiri se repose sur le filmage paresseux de beaux paysages et de l’armement prêté par l’armée, avec un manque de rythme et d’imagination confondants. Il suffit de comparer le très pénible et interminable cinquième épisode avec n’importe quelle scène équivalente de Fauda pour se rendre compte de la différence de niveau…
Quand à l’émotion, à la réalité humaine, elle pointe aux abonnés absents durant l’intégralité de cette première saison, qui semble avoir été faite sans envie, sans talent et surtout sans aucun cœur.
Notons enfin que les responsables de cette triste affaire se sont approchés sans crainte d’un niveau de bêtise que l’on peut seulement qualifier de nanardesque en faisant chanter en chœur à leur équipe de bras cassés déguisés en militaires une rengaine beauf de l’inénarrable Pierre Bachelet. Étonnez-vous après cette scène littéralement cauchemardesque – la seule qui fasse réellement peur dans toute la série – que la France reste la risée du monde du point de vue musical !
Bref, loin, très loin du Bureau des Légendes, sans parler de ses modèles états-uniens ou israélien, Cœurs Noirs est à éviter par tous ceux qui aiment leurs séries consistantes, crédibles et riches de sens !