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Le journal de Pok
20 février 2023

Jesse Malin à la Boule Noire (Paris) le samedi 18 février

2023 02 18 Jesse Malin Boule Noire (2)

20h45 : C’est Everybody's Talkin’, la merveilleuse chanson de Fred Neil immortalisée par Harry Nilsson, que Jesse Malin a choisi comme musique pour introduire son set : ce n’est évidemment pas gratuit, puisque ce morceau symbolise plus que tout autre la ville de New York, lorsqu’elle était encore belle et dangereuse. Jesse est accompagné sur cette tournée par quatre musiciens, qu’il présentera comme étant tous de vieux amis, et qui vont littéralement faire parler la poudre pendant 1h45 : appuyé par un tel groupe, quel risque prenait finalement l’ami Jesse, surtout devant un parterre de fans enthousiastes comme ceux qui avaient finalement quasiment rempli la Boule Noire ?

Room 13, le premier titre, pourtant, mid-tempo très country, presque un peu baveux, peut faire peur : c’est une drôle d’introduction quand même à ce qui va être un concert très riche en émotions. Le vrai départ, c’est le titre suivant, un rocker joué à fond les ballons, destiné à mettre le feu à la salle : il nous faudra quand même un moment pour reconnaître une reprise des Pogues, If I Should Fall From Grace With God. Rétrospectivement, l’enchaînement improbable de ces deux titres définit parfaitement où se trouve Jesse Malin : en équilibre délicieusement instable entre ses racines traditionnelles US et son héritage punk, largement situé de ce côté-ci de l’Atlantique. Et cette tension qui naît de ce refus de choisir est ce qui rend le personnage singulier, et passionnant.

D’ailleurs, au-delà de la musique, impeccable, voire plus, ce sera les histoires que nous racontera abondamment Jesse qui en feront le sel : il s’agit ce soir de rejouer dans son intégralité le premier album, certes, mais il s’agit aussi de revenir sur toute une histoire qui est la sienne, mais qui est aussi, largement, la nôtre (la moyenne d’âge dans la salle en témoigne). On se remémore le New York de la fin du XXème siècle, au long d’anecdotes amusantes racontant la vie de galère d’un jeune musicien à la recherche de sa voie. On célèbre les amis disparus : Howie Pyro, ex-comparse au sein de D Generation, emporté par le COVID, à qui Jesse dédie une superbe reprise du Bastards of Youth des Replacements, ou Nick Alexander, qui avait accompagné Jesse lors de sa première tournée en France, mort sous les balles des terroristes au Bataclan, en l’honneur duquel on jouera une magnifique version du bouleversant Brooklyn… On remercie ceux qui, au fil des années, nous ont accompagné, comme l’ami Michel. On passe du rire aux larmes, et c’est bien ça ce qui est merveilleux dans la musique.

La setlist d’une vingtaine de morceaux inclut, logiquement, les onze chansons de la version originale de The Fine Art of Self Destruction, mais pas systématiquement dans l’ordre, et complétés par des morceaux emblématiques de la trajectoire de Jesse, et par des reprises bien choisies, s’intégrant en tout cas parfaitement dans le storytelling de la soirée… On appréciera particulièrement l’enchaînement The Fine Art of Self Destruction / Riding on the Subway, sommet musical de la soirée, avec une conclusion furieuse de Subway, où le groupe fait littéralement des merveilles…

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Mais s’il y a un qualificatif qui vient immédiatement à l’esprit quand on pense à Jesse Malin, c’est bien celui de « généreux ». Généreux avec son public, qu’il régalera à deux reprises en venant chanter – grimpé sur l’un des bancs latéraux de la Boule Noire – et danser dans la salle, et durant de longs moments (en particulier sur le festif She don’t love me now). Généreux avec ses amis, et avec tous ceux qui ont croisé sa route et ont fait de lui ce qu’il est aujourd’hui : « Rock’n’roll is the thing that unifies us ! », dit-il en se remémorant les ambitions des jeunes punks du siècle dernier : changer le monde, parce qu’on est en colère devant les inégalités sociales, devant la manière dont les femmes ou les gens de couleur sont traités… mais sans jamais perdre son humour. Pas question de devenir « politiquement correct » et de renoncer à notre amour pour Led Zeppelin ou pour les Stooges, sous prétexte que certains de leurs textes étaient sexuellement lourdingues…

Et puis comment ne pas aimer Jesse quand il explique, avant d’entamer une version de Solitaire bien supérieure à l’original, que le philosophe qui l’a le plus inspiré avait des verrues, un blouson de cuir et s’appelait Lemmy ? Ou comment ne pas avoir les larmes aux yeux quand, après avoir rappelé la PMA (« positive mental attitude ») des punks – sans nier qu’il avait lui-même souvent la NMA – negative Maline attitude -, il nous offre une version rentre-dedans de l’inoubliable Russian Roulette des Lords of the New Church ?

Le set se termine façon Ramones avec le redoutable, et remarquablement politique All The Way From Moscow, dédié aux Ukrainiens : Malin a quitté au fil des morceaux les lunettes noires, puis la veste mais a gardé son chapeau, et il a revêtu un blouson de cuir et empoigné une guitare électrique pour l’occasion (…qui vient renforcer le travail remarquable de son guitarise soliste). Une conclusion parfaite pour un set chargé en émotions… Même si nous aurons droit à un court rappel d’un titre, le sympathique Meet Me at the End of World Again qui fait office de singalong parfait.

Il est temps pour Jesse Malin et son gang de reprendre la route : ils doivent jouer le lendemain à Utrecht. « J’ai entendu dire qu’il y a pas mal d’antisémites par là-bas, il faut qu’on s’en occupe ! ». Continue le combat, Jesse, on est tous avec toi…

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