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Le journal de Pok
14 janvier 2023

“The Pale Blue Eye” de Scott Cooper : Edgar Allan Poe détective

The Pale Blue Eye affiche

Aux USA, on aime tellement les (rares) figures mythiques de la culture qu’on les accommode à toutes les sauces, ce qui ne contribue probablement pas à la culture générale du pays : dix ans après Abraham Lincoln en vaillant chasseur de vampires (le film de Timur Bekmambetov, de sinistre mémoire), voici donc Edgar Allan Poe, LE poète états-unien par excellence, en détective lancé sur la trace de meurtriers sataniques arrachant le cœur de leurs victimes. Bon, comme en 2022, on ne saurait confier une icone nationale au soin d’un Russe, c’est le bon local de l’étape, Scott Cooper, qui s’y est collé. Ce qui n’est pas forcément mieux, on le réalise très vite tant The Pale Blue Eye (qui aurait pu faire un bon titre pour un biopic du Velvet Underground) est – spoiler, spoiler ! - un film ennuyeux.

Il faut admettre que Scott Cooper est un maniériste convaincu, un virtuose de la mise en scène qui se repose aussi sur ses acteurs (Jeff Bridges dans Crazy HeartChristian Bale dans les Brasiers de la Colère et dans Hostiles, sa seule vraie réussite), et brasse toujours beaucoup de vide avec un sens indéniable de l’esthétique, mais pas grand-chose d’autre de consistant. Et ce sera la même chose ici, durant deux heures dix minutes qui en paraissent quatre, pour notre plus grand malheur…

On est au XIXème siècle, au milieu d’un hiver particulièrement rude, et quand un cadet de la prestigieuse académie militaire de West Point est retrouvé pendu et le cœur arraché, il ne reste plus aux militaires qu’à faire appel aux ressources d’un célèbre détective local, Landor, alcoolique dévasté par un drame familial. Landor reprend donc du service, mais s’adjoint paresseusement les services d’Edgar Allan Poe, cadet à West Point, avec lequel il se lie d’amitié (eh oui, a priori, Poe a bien passé au moins quelques mois à West Point !).

A partir de cette introduction pas inintéressante, et au bout de trois quart d’heure, le film s’enlise irrémédiablement dans une histoire qui n’avance pas, avec des interprétations toutes indignes des noms prestigieux qui ont accepté de ramer dans cette galère : Charlotte Gainsbourg (transparente), Gillian Anderson (caricaturale), Robert Duvall (méconnaissable, le pauvre). Le pire est – contre toute attente – l’absence totale de présence à l’écran et même d’un minimum d’énergie de la part de Christian Bale, qui, à l’inverse de ce qu’il offre en général, ne fait pas le moindre effort pour sauver le navet qui se confirme au fil des minutes. Il faut distinguer quand même au milieu de ce marasme la « performance » en Edgar Allan Poe de Harry Melling (oui, le Dudley de Harry Potter !) qui fait absolument n’importe quoi, mais avec un style fantaisiste improbable qui tranche avec le sérieux papal du reste du casting : il est complètement ridicule, mais au moins il nous amuse.

Bon, le chef opérateur Masanobu Takayanagi fait du beau boulot, et les fans de Poe passeront le temps à ramasser les références et les clins d’œil à l’œuvre du poète. Ce n’est évidemment pas suffisant pour nous maintenir éveillés, au moins jusqu’à un twist dramatique improbable dans le dernier quart d’heure, qui prouve que Netflix, comme les pires studios hollywoodiens, espère toujours ramasser la mise en sacrifiant l’intégrité de ses films aux bonnes vieilles recettes qui plaisent au grand public. Le scénario de The Pale Blue Eye étant tiré d’un bouquin, c’est peut-être l’auteur, Louis Bayard, qui est responsable de cette dernière fumisterie.

Tiens, on se demande finalement si on n’avait pas préféré voir Lincoln tuer des vampires. Mais, en tout cas, on suggère à Netflix de ne pas s’arrêter là et de réfléchir à un HP. Lovecraft luttant contre une invasion extra-terrestre. Ça pourrait le faire, non ?

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