“Glass Onion : une histoire à couteaux tirés” de Rian Johnson : « You know the place where nothing is real… »
Ecrire et réaliser une suite à la belle réussite qu’était A Couteaux Tirés était sans aucun doute l’idée la plus stupide du monde, la garantie d’un échec et une nouvelle preuve du manque d’audace des producteurs avides de remakes et de sagas. Et puis, patatras ! Glass Onion – référence sympathique à la chanson des Beatles et jolie métaphore d’une structure complexe dont le centre reste toujours visible – est aussi bon, peut-être même meilleur que son prédécesseur. Meilleur parce que tout aussi brillamment écrit, réalisé et interprété, dégageant un fol plaisir à tous les niveaux, mais surtout plus pertinent « politiquement », et beaucoup plus… conceptuel.
Car cette fois, le génial enquêteur Benoît Blanc (avec un Daniel Craig qui se délecte à jouer l’imbécile dans la première partie du film, puis le fin limier dans la seconde) est invité – mais par qui ? – à un jeu de Cluedo grandeur nature par un milliardaire cruel et stupide, Miles Bron, dans lequel on a envie de reconnaître Elon Musk. Tout se passe sur une île grecque paradisiaque, dans une villa démentielle construite autour d’un oignon de verre : et tous les invités, des « business partners » de Bron, ont des raisons de le tuer, bien entendu.
Rian Johnson, qui n’est pas un conservateur confit dans la tradition à la Kenneth Brannagh, va cette fois dynamiter le whodunnit à la Agatha Christie grâce à un twist réjouissant : une fois l’énigme résolue par Blanc en moins d’une heure, le « vrai film » peut commencer, le spectateur se trouvant à la fois ravi et déboussolé. On ne racontera rien ici de ce qui va suivre, tant les surprises s’accumulent à un rythme enlevé, jusqu’à un final qualifié de « punk rock » par un personnage, qui nous vengera au moins quelques minutes de notre soumission à la puissance du monde de l’argent, comme à celui des réseaux sociaux. Et oui, 2 h 20, c’est sans doute un peu trop long, mais on est bien en peine de trouver un moment faible dans cette parfaite succession de scènes hilarantes, où chacun – nous y compris – en prend pour son grade.
S’il fallait dire du mal (mais pourquoi, mon dieu, devrions-nous toujours bouder notre plaisir ?) de Glass Onion, on pourrait pointer du doigt qu’on est vraiment loin du format policier, et que le plaisir du suspense est quasiment totalement absent du film. Et qu’utiliser aussi peu une grande actrice comme Kathryn Hahn est indéniablement une faute. Bon, « Nobody’s perfect ! » comme disait Billy Wilder, et l’important du film, c’est bien cette réjouissante énergie qui se dégage du casting, toit d’abord Janelle Monáe, charismatique comme souvent, Daniel Craig, et le fantastique et trop rare Edward Norton en tête : si tous les films, quel que soit leur budget, pouvaient être réalisés avec un enthousiasme aussi tangible, mais également parler avec autant d’humour de l’état désespéré dans lequel nous nous trouvons aujourd’hui, les salles de cinéma seraient bien plus remplies qu’elles ne le sont en ce moment…
Ah, pardon, on oubliait un instant que Glass Onion est co-produit et diffusé sur Netflix !