"Shantaram" de Steve Lightfoot : Le retour du grand cinéma d’aventure… en série TV !
On est en droit de se demander combien de temps Apple va poursuivre une politique éditoriale aussi ambitieuse avec aussi peu d’abonnés à Apple TV+ et aussi peu de retours critiques, mais, tant que ça dure, profitons-en ! Non contente d’avoir écrasé toute la concurrence en 2022 avec son incroyable Severance (la série TV préférée de 90% des téléspectateurs l’ayant vue, mais ils ne sont pas nombreux), la plateforme à la pomme nous a abreuvé de multiples réussites (Pachinko, Black Bird, Slow Horses, Bad Sisters, et bien d’autres) à laquelle vient désormais s’ajouter ce Shantaram, qui pourrait se positionner comme la meilleure série "d’aventures" que nous ayons vue depuis des années s’il n’y en avait pas aussi peu…
Tiré du roman autobiographique – que l’on soupçonne enjolivé – de Gregory David Roberts, Shantaram raconte les aventures rocambolesques – mais toujours crédibles – de Lin Ford, un jeune Australien arrêté après un hold-up ayant mal tourné, puisque s’étant terminé par la mort d’un policier. Après avoir réussi à s’évader de sa prison, il trouve refuge à Bombay, où il s’installe, par une suite de hasards, comme « médecin » dans l’un des bidonvilles de la cité. Il va se trouver pris au milieu d’une guerre des gangs, dans laquelle son amour une femme mystérieuse l’impliquera directement… jusqu’à ce que son passé, sous la forme d’un policier "hard boiled" acharné et haineux, le rattrape…
En confiant le rôle principal à Charlie Hunnam, un acteur souvent peu convaincant qui n’a jamais pu capitaliser sur le succès de son premier rôle dans Sons of Anarchy, le showrunner Steve Lightfoot a pris un risque pour une série à si gros budget, et ce d’autant qu’il n’est entouré dans la distribution que d’inconnus (bon, on est content de retrouver Vincent Perez dans un second rôle touchant, mais aussi l’excellent et trop méconnu Alexander Siddig en parrain charismatique). Est-ce la proximité du personnage de Lin Ford avec celui de Jax Teller (un mélange d’innocence, de machiavélisme et de… bêtise) ? Toujours est-il que Hunnam, joliment alourdi par les années qui lui confèrent une vraie crédibilité, s’avère presque toujours excellent au fil de 12 épisodes riches en péripéties et en émotions. Ce qui n’empêche que la vedette lui est incontestablement volée par le lumineux Shubham Saraf, qui incarne un jeune habitant du taudis, débrouillard, amoureux, fidèle en amitié, éclipsant systématiquement les reste du casting dans toutes les scènes où il apparaît…
Au delà du cadre spectaculaire (Bombay a été "recréé" à Bhopal, du fait du COVID), c’est en fait là la grande qualité de Shantaram, et ce qui en fait un plaisir rare : la force et la crédibilité de sa multitude de personnages, interagissant dans de complexes jeux de pouvoir et d’amour, dont on suit passionnément les aventures, sans finalement se polariser uniquement sur Lin Ford. On appelle ça une fresque, et, en particulier au cours des trois derniers épisodes, haletants, il est impossible de ne pas reconnaître qu’on a affaire ici à du vrai, du grand CINEMA.
On sera néanmoins frustré par une fin en cliffhanger, procédé de moins en moins utilisé et un peu indigne : on n’avait nul besoin de ça pour attendre avec impatience la suite des aventures de Lin, Prahbu, Karla et les autres, qu’on a appris à aimer au cours de ces 12 épisodes impeccables.