Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le journal de Pok
21 novembre 2022

"The Midnight Club" de Mike Flanagan et Leah Fong : The Haunting of Brightcliffe Hospice

The Midnight Club poster

Depuis le triomphe artistique de The Haunting of Hill House, tous les amateurs éclairés de cinéma fantastique placent Mike Flanagan très haut dans la liste des auteurs (il est scénariste, réalisateur, et show runner pour ses séries) à suivre. Même si The Haunting of Bly Manor et Sermons de Minuit n’atteignaient pas le même niveau d’excellence que Hill House, il était en outre incontestable que la collaboration de Flanagan avec Netflix était l’une des plus fécondes établies par la plateforme (on oserait même dire la seule vraiment productive en termes de qualité)… Ce qui nous faisait attendre avec impatience ce Midnight Club, co-créé avec Leah Fong, qui avait déjà participé à Bly Manor

La première surprise a été de découvrir que The Midnight Club avait une indéniable coloration de teen movie, de fiction pour adolescents / jeunes adultes, un domaine dans lequel Netflix recrute pas mal de consommateurs. Alors, la plateforme a-t-elle cette fois imposé ses objectifs commerciaux à « l’artiste » ? Les choses ne sont pas aussi simples que ça : on retrouve certes les clichés habituels que l’on connait depuis le Breakfast Club fondateur de John Hughes – émois amoureux, jalousies, conflits liés aux origines de chaque protagoniste, le tout se résolvant grâce à la nécessité de faire face à un « ennemi commun » -, mais Flanagan transcende régulièrement tout cela en contrebalançant la légèreté inhérente au genre par la profondeur dramatique des enjeux. Car les protagonistes de la série sont tous des jeunes atteint d’une maladie incurable, et en phase terminale, qui attendent leur mort dans une (improbable) institution semi-médicale fondée et gérée à cet effet. Et il faut bien admettre que la Mort comme antagoniste, surtout quand on sait qu’on ne la vaincra pas, c’est bien plus stressant que le surveillant général du lycée !

Le scénario de Midnight Club est inspiré d’un livre de Christophe Pike, tiré lui-même de faits réels, et raconte les rencontres nocturnes entre les jeunes patients, au cours desquelles chacun doit à son tour narrer une histoire fantastique, aussi effrayante que possible. Le thème de l’imagination au secours de la réalité, et de la création « littéraire » comme exutoire et mode de survie est évidemment passionnant, et fait directement écho à nombre de livres de Stephen King, un auteur qui nourrit depuis toujours l’imaginaire de Flanagan, qui l’a adapté avec succès (Jessie, Doctor Sleep…). C’est d’ailleurs quand il laisse le plus franchement de côté les éléments fantastiques de ses intrigues, et se concentre sur les tourments de ses personnages, sur leur terreur, leur désespoir, leur chagrin, leur combat quotidien avec la perspective de leur anéantissement que The Midnight Club fonctionne le mieux, comme au cours des deux épisodes les plus réussis : Anya, le septième, consacré au personnage le plus passionnant de la série – la jeune Ruth Codd, qu’on reverra dans la prochaine série de Flanaganla Chute de la Maison Usher d’après Edgar Allan Poe - et Road to Nowhere, le huitième, qui bénéficie d’un excellent récit fantastique en son cœur, tiré a priori d’un autre livre de Pike.

Mais The Midnight Club n’est pas exempt de défauts, certains très gênants, qui en font l’œuvre la moins convaincante à date de Mike Flanagan. La série est tout d’abord bien trop longue : 10 épisodes de 1 heure ne font pas fondamentalement avancer les choses, ce qui fait que l’on se retrouve devant un épisode final à la saveur de « Tout ça pour ça ? », trahissant un refus incompréhensible de mettre en scène la mort des personnages, alors que cela aurait été la seule manière de conférer un sens à tout ce qu’on a vu auparavant. Il y a ensuite l’ajout inutile par les scénaristes d’une intrigue abracadabrante et largement inintéressante autour d’une communauté installée non loin de l’hospice, aux objectifs mystérieux. Il y a aussi le fait qu’on a le plus souvent du mal à croire à ces histoires d’adolescents qui semblent en bien bonne santé et pleins d’énergie par rapport à leur supposé « état terminal ». Il y a enfin la mise en scène largement insignifiante, très standard, qui a été abandonnée par Flanagan à des tiers dans 8 des 10 épisodes, privant la série d’une vraie cohérence artistique, et trahissant sans doute un intérêt moindre du créateur pour The Midnight Club par rapport à ses séries précédentes.

On prendra donc The Midnight Club comme un simple moyen d’attendre la Chute de la Maison Usher, où l’on retrouvera, on l’espère très fort, les ambitions et le talent habituels de Mike Flanagan.

Commentaires
Le journal de Pok
Le journal de Pok
Archives