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Le journal de Pok
12 novembre 2022

New Model Army au Trabendo (Paris) le 10 novembre

2022 11 10 New Model Army Trabendo (1)

Justin démarre le premier set de la soirée en solo acoustique : Family Life met d’emblée les curseurs dans le rouge au niveau émotionnel, et souligne que le formidable album de 1986, Thunder and Consolation, sera particulièrement à l’honneur ce soir, même si la setlist, show d’anniversaire l’exigeant, ira piocher un peu partout parmi les 250 chansons (c’est Justin qui le dira) des 15 albums du groupe. Justin sera progressivement rejoint par les trois autres membres du groupe : New Model Army opère en quatuor sur cette tournée, sans le seconde guitariste Marshall Gill, ce qui confère à leur son une plus grande légèreté, et également une finesse musical bienvenue. Sans perdre de la dureté ni de l’intensité, on a l’impression d’une plus grande subtilité, en particulier dans l’impressionnant jeu de batterie de Michael Dean, qui met mieux encore en valeur les chansons, régulièrement réinventées par rapport à leurs versions originales.

Dès le troisième titre, Snelsmore Wood, on a les larmes aux yeux tellement c'est beau, tellement c’est intense. Bad Old World est la première occasion de chanter tous en chœur un refrain allègre et vindicatif - donc typique de NMA - et une ineffable sensation de bonheur nous envahit : « I'm never going back there / I'm never going back to the bad old world » (Je n'y retournerai jamais / Je ne retournerai jamais dans le mauvais vieux monde), et on se dit que ce titre qui a plus de vingt ans était formidablement en avance, quand on pense à tous les réactionnaires actuels qui nous répètent que, avant #MeToo, avant l’immigration, etc. c’était mieux, le « good old world »… Frightened, extrait du tout premier album, nous est présenté comme un vieux morceaux datant d'une époque où nous étions encore innocents, et accélère le rythme, débouchant sur un Red Earth inspiré d'un voyage en Afrique du Sud et d'un marimbas acheté là-bas pour un dollar : percussions tribales (Cari Monger passe derrière des fûts installés à droite), chant à la fois mystique et menaçant, et final frénétique… un très beau morceau pour clôturer le premier set, "petit plat en attendant le repas, comme en France" nous avait annoncé Justin dans un très bon français (plus tard il s'excusera pour, dit-il, faire comme tous les Anglais, retourner à sa langue maternelle au bout de 10 minutes) : 50 minutes quand même, pas loin de la perfection, 50 minutes qui feraient rêver par leur force et leur beauté bien des groupes.

15 minutes de pause… Et le second set va être différent, plus électrique, plus violent, mais peut-être moins émotionnel, moins bouleversant aussi. Mais bon, on va avoir droit à la plupart des brûlots ultra-populaires auprès de la (New Model) armée de fans : des tueries comme Vagabonds, dans une version bien loin de ses racines folk celtes, ou The Charge et encore The Hunt, qui sont attendues de pied ferme pour entamer des danses frénétiques dans la fosse… et personne ne sera déçu ! Pour nous, ce sera la très inspirée, très intense version de Here Comes the War, avec sa référence évidente à l’Ukraine, qui nous fera frissonner le plus : « Here comes the war / Put out the lights on the Age of Reason » (Voici la guerre / Éteignez les lumières de l'âge de raison !), que dire de plus ?

2022 11 10 New Model Army Trabendo (19)

Le public, d’âge moyen et largement féminin, est comme prévu, très turbulent, et le groupe doit se battre contre l’envahissement de la scène par des verres de bière qui menacent de se renverser sur les pédaliers et les câbles. Mais tout cela restera toujours bon enfant – New Model Army joue une musique d’amour, non ? – et on regrettera même l’absence des traditionnels fans anglais (la faute au Brexit, que Sullivan exècre et vomit ?) et leurs habituelles pyramides humaines, fort réjouissantes.

Les textes de Sullivan que le public connaît quasiment tous par cœur, sont clairement l’un des points forts du groupe, mais il ne faut pas oublier que, au-delà de ce mélange improbable de punk rock, de folk, de metal, le groupe est responsable d’une bonne dizaine de très grandes chansons, qui sont à la fois des « hymnes » que l’on reprendra en chœur, le poing ou les bras dressé(s) suivant ses convictions, et de superbes mélodies qui mettent clairement les larmes aux yeux. Et le rappel, alors que Justin, en plaisantant (oui, mais… ?) a dit regretter d’avoir promis qu’ils joueraient trois heures, enchaînant 51st State et I Love the World confirme que New Model Army avait indiscutablement les munitions nécessaires pour rencontrer un large succès. Et des phrases comme « And as the waters rise, it seems we cling to all the rootless things / The Christian lies, technology, while spirits scream and sing / Oh God I love the world » (Et à mesure que les eaux montent, il semble que nous nous accrochions à toutes ces choses qui n’ont pas de racines / Le chrétien ment, la technologie, tandis que les esprits crient et chantent / Oh Dieu j'aime le monde ! » sont sans doute la meilleure épilogue possible à ce voyage épique à travers les horreurs et les beautés de l’humanité.

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