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Le journal de Pok
12 octobre 2022

“Un beau matin” de Mia Hansen-Løve : einen schönen morgen…

Un beau matin affiche

Nombreux sont les gens qui pensent qu’on ne fait pas de bon cinéma, de « bonnes histoires » en racontant la vie quotidienne de personnes « ordinaires ». Un beau matin, le nouveau film de Mia Hansen-Løve est le plus clair démenti qui soit : l’un des plus beaux films de cette année, l’un des plus touchants aussi, nous raconte seulement (?) ce qui arrive « un beau matin » (qui n’a pas grand-chose de beau, en fait) à Sandra, trentenaire travaillant comme traductrice, quand la dégradation de l’état de santé de son père l’oblige à le faire entrer dans le circuit des EHPADs, et quand, à peu près simultanément, un ami perdu de vue devient un amant, et peut-être un grand amour. C’est tout. Et c’est beaucoup, c’est même immense, pour tous ceux qui ont perdu un parent âgé dans des conditions similaires, pour toutes celles qui ont souffert d’être la maîtresse que l’on cache et qui voient la vie passer sans que le bonheur puisse se concrétiser.

Comme d’autres œuvres de Mia Hansen-LøveUn beau matin est un film binaire, traversé par deux mouvements inverses : tandis qu’un père s’enfonce vers l’obscurité, vers l’oubli, la possibilité de l’amour laisse entrevoir une lumière consolatrice. On nous dit que ce film est le plus autobiographique de son auteur, nous ne saurions en juger, et cela l’a pas vraiment d’importance, en fait, tant, on l’a dit, ce qui se joue ici est universel, banal et essentiel à la fois. Le choix d’une image lumineuse, mais en même temps neutre, le jeu des acteurs qui évitent en permanence la surreprésentation des émotions, la relative neutralité d’une mise en scène qui prend acte du temps qui passe, des trajets de Sandra à travers la ville pour effectuer ses tâches quotidiennes, tout cela confère au film une vérité inhabituelle.

Loin des règles du spectacle, mais également à l’opposé d’une volonté de « faire vrai », Un beau matin nous parle de nous, mais n’évite pas non plus les thèmes ambitieux : le rôle des livres – puisque le sort de la bibliothèque du père, féru de littérature et de philosophie allemande, est au centre du film – comme trace de notre existence aussi bien que comme guides de notre pensée, mais aussi de notre comportement vis-à-vis des autres (la gentillesse de Georg, professeur de philosophie, est pointée régulièrement par le personnel soignant) ; la beauté de la science qui élève l’homme vers le cosmos (Clément est un cosmochimiste, chercheur en charge d’étudier les météorites) ; la difficulté de trouver la bonne démarche face à la question environnementale (l’activisme farfelu de Françoise)… tous ces sujets nourrissent le film, lui confèrent une pertinence supplémentaire bienvenue.

Terminons par souligner l’excellence de l’interprétation de Léa Seydoux, dans ce qui pourrait bien être et rester son meilleur rôle, et sans laquelle Un beau matin ne serait pas une telle réussite. Le couple père-fille qu’elle forme avec Pascal Greggory, bouleversant de douceur, est inoubliable.

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