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Le journal de Pok
4 septembre 2022

"North East Coastal Town" de LIFE : la quadrature du cercle

LIFE_-_North_East_Coastal_Town

On a bonne mine de vous exhorter à écouter LIFE, de défendre le groupe de Hull que nous considérons toujours comme l’un des plus intéressants actuellement en Grande-Bretagne, en tous cas parmi tous ceux qui opèrent sous la bannière désormais bien usée du post-punk… Nous avions chroniqué le second album du groupe, A Picture of Good Health, avec 4 mois de retard, et nous nous sommes remémoré l’existence de North East Coastal Town plus d’un mois après sa sortie… La honte !

Et pourtant, pourtant, North East Coastal Town est un album passionnant : il démarre avec un Friends without Names viscéral (« "I really miss ya", "I really miss ya" / Friends without names, they're all the same to me » - "Tu me manques vraiment", "Tu me manques vraiment" / Ces amis sans nom, ils sont tous pareils pour moi), qui rappelle les ouvertures des disques de IDLES en termes d’urgence et de lyrisme. Il se poursuit en explorant divers styles musicaux, de la pop mélodique (Our Love is Growing) à la new wave malaisante sous influence The Fall (The Drug), en passant par les chants avinés (« a-bièrés » ?). Et il relègue de fait les brûlots punks qui ont fait la réputation du groupe à ses débuts à la marge … Une bien belle marge, néanmoins, comme dans le cas du radical Poison, et de son cri d’amour et de haine désespéré : « I need someone / To hold me / … / I found a place where I'm not lonely / You're lonely? / A warm embrace, my child's face / My poison… » (J'ai besoin de quelqu'un / Pour me tenir / … / J'ai trouvé un endroit où je ne suis pas seul / Tu es seul ? / Une étreinte chaleureuse, mon visage d'enfant / Mon poison…).

North East Coastal Town est non seulement la matérialisation de la volonté du groupe d’évoluer, de mûrir, de grandir – une volonté qui avait déjà été exprimée à l’époque de A Picture of Good Health -, mais c’est aussi un « concept album », consacré à leur belle ville de Hull, à son héritage social, à la communauté ouvrière qui en a été le cœur et que l’effondrement progressif de l’activité industrielle anglaise a dévasté. On en arrive donc au paradoxe que l’amour que Mez Green porte à ses origines, et qu’il veut chanter ici, le conduit plutôt au désespoir, voire au cynisme : North East Costal Town est donc à la fois la célébration d’une région, mais c’est aussi un « feel bad record ». Et c’est là que, malgré l’évolution stylistique du groupe, on retrouve la pertinence de cet esprit punk qui était la signature de LIFE : la voix acide de Mez Green, entre Johnny Rotten et Mark E. Smith, vomit un malaise profond, et semble lutter en permanence contre la forme plus policée, plus artistique des morceaux.

Cette force remarquable d’un album qui ne vise pas à divertir n’est malheureusement pas dénuée de maladresses : il y a par exemple la longueur inutile d’un Duck Egg Blue, morceau très surprenant pour LIFE, qui dure six minutes mais où tout est dit au bout de trois, les problèmes de cohérence d’un disque qui semble perpétuellement sauter du coq à l’âne. Mais il y a surtout le décalage entre le talent qu’a LIFE d’écrire des hymnes pour hooligans, faciles à reprendre en chœur ou à brailler au cours d’un concert survolté, et leur volonté de peindre par petites touches impressionnistes le malaise existentiel d’une population de plus en plus ignorée, voire invisible…

…. La quadrature du cercle, en quelque sorte… et la suite des aventures de LIFE confirmera ou non si le groupe a la capacité – le talent – de la résoudre.

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