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Le journal de Pok
5 août 2022

"Jim, I’m Still Here" de James Righton : confinement et nouvelle “persona”

Jim Im Still Here

Depuis le début de la pandémie il y a plus de deux ans, et surtout suite aux différents épisodes douloureux de confinement qui se sont succédé, qui ont mis à mal la musique live, on a souvent eu l’occasion de réfléchir à l’impact – positif ou négatif – que ces situations extrêmes avaient eu sur l’inspiration de nombreux artistes. Jim, I’m Still Here, le nouvel album de James Righton, ex-membre de Klaxons et surtout déjà responsable d’un brillant disque de crooner moderne, The Performer, est indiscutablement une nouvelle pièce à apporter à ce dossier déjà bien fourni.

En fait, comme la plupart d’entre nous, gens ordinaires qui avons continué à travailler « à distance » via Teams, Zoom, et tant d’autres outils de communication qui sont d’un coup devenus indispensables, James Righton a mené pendant le confinement une double vie : celle d’un père de famille (il a deux filles) soudainement très présent à la maison, et celle d’un artiste virtuel, surnommé Jim, actif sur le net.

L’introduction de Livestream Superstar pose clairement les paramètres d’une équation schizophrénique, dont la résolution peut être soit ludique, soit désespérante : « Some other life / Domestic God / Couldn’t be more normal if I tried / Feed the kids / Wash the dishes / Come night / James is dead / Dressed in Gucci / Head to toe / Loafers on / James has gone / You’ve got me now / Who thought that I’d ever be / A livestream superstar? » (Une autre vie / Dieu domestique / Je ne pourrais pas être plus normal si j’essayais / Nourrir les enfants / Laver la vaisselle / Arrive le soir / James est mort / Vêtu de Gucci / De la tête aux pieds / En pantoufles / James a disparu / vous m’avez moi à la place / Qui pensait que je serais un jour / Une superstar du livestream ?

Jim, I’m Still Here, a donc toutes les caractéristiques qu’on attend désormais d’un album de confinement. Il a un aspect minimaliste du point de vue instrumental, résultant peut-être des contraintes physiques lors de la composition des titres : Righton, multi-instrumentiste talentueux retourne ici à l’électro. Il est clairement plus expérimental que son prédécesseur : quand on a du temps devant soi… Surtout, il oscille entre une déprime parfois un tantinet complaisante (ou en tous cas, très tournée vers ses propres démons, ses propres soucis) et de grands moments d’inspiration où l’on rêve de repousser les murs et de s’envoler vers un monde, sinon meilleur, du moins plus ouvert… Son originalité est de pousser le sujet plus loin, vers une conceptualisation bien plus intéressante : il s’agit sur cet album d’établir un dialogue entre James et sa persona, l’un coincé dans son rôle familial par la pandémie, tandis que l’autre vit une vie virtuelle d’artiste.

Du point de vue formel, James, pardon Jim, un peu à la manière de nos chouchous de Django Django, revisite la synth pop des années 80, en accentue les accents funk – et l’on connaît l’intérêt que manifeste Righton envers Prince. Peut-être influencé aussi par ses producteurs, Stephen et David Dewaele de Soulwax, il explore de nombreuses tendances de l’électro, plus dansantes ou plus planantes, plus exaltées ou plus réfrigérantes, plus souples ou plus répétitives…

Sur Release Party, il infuse dans son électro un sentiment de désastre imminent, de cataclysme à venir, qui en change profondément la couleur (« Let’s dance amongst the ruins baby / This future Babylon / … / Can’t you feel the release? » – Dansons au milieu des ruines, chérie / De cette future Babylone / … / Ne sens-tu pas combien c’est libérateur ?).

A l’inverse, et dans un autre registre, A Day At The Races est une chanson de deuil, toute simple, totalement intime au point qu’elle ne nous semble pas destinée à nous, le public… mais d’autant plus sincère (« Found an old photograph / I couldn’t help but laugh at the memory / You always knew how to have a good time / Just a day at the races / Gerry stood there by your side / Didn’t know that the stakes were so high / I know it’s easy now / To say I was always caught up / In my own world / But we never got to say goodbye » – J’ai trouvé une vieille photo / Je n’ai pas pu m’empêcher de rire devant ces souvenirs / Tu as toujours su passer un bon moment / C’était juste une journée aux courses / Gerry était là à tes côtés / Je ne savais pas que les enjeux étaient si élevés / Je sais que c’est facile à dire aujourd’hui / J’ai toujours été trop engagé / Dans mon propre monde / Mais nous n’avons jamais pu dire au revoir).

On remarquera aussi Empty Rooms, enjolivée par une intervention aux synthés de Benny Andersson, du groupe ABBA avec lequel Righton collabore, qui est l’une des chansons les plus radieuses de l’album, une simple promesse d’amour et de bonheur, pleine d’une élégante et douce rêverie (« I can make it right / We can dream all night / Stay by me till the morning comes » – Je peux arranger les choses / Nous pouvons rêver toute la nuit / Reste près de moi jusqu’au matin).

Finalement, il faut bien avouer que même si Jim, I’m Still Here est une autre réussite en termes de mélodies, d’atmosphères, qu’elles soient mélancoliques ou ludiques et dansantes, on ne peut s’empêcher de regretter le crooner glam magnifique de The Performer, qui nous ramenait à l’élégance d’un Bowie ou d’un Bryan Ferry. Espérons donc que cette « persona » de Jim adoptée du fait du confinement, s’effacera avec le retour de James Righton sur scène.

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