"Les Nuits de Mashhad" d'Ali Abassi : la chasseresse
Depuis qu'il adopte les codes du thriller moderne, le cinéma iranien a la cote, et est porté aux nues par des gens qui ne supporteraient pas regarder plus de dix minutes d'un chef d'œuvre de Kiarostami. Et si, en plus, les films sont critiques par rapport au régime des mollahs, et à la dégradation dramatique de la société iranienne, raison de plus pour les aimer.
Bon, ne soyons pas amers, il est toujours plaisant de voir du cinéma capable de mêler les genres, de parler politique tout en jouant la carte du polar. Le problème est que le réalisateur des Nuits de Mashhad, l'exilé (au Danemark) Ali Abassi n'a clairement pas assez de talent - ou d'intelligence - pour gérer correctement ce fameux "mélange de genre", et qu'il tire trop souvent son film vers le gros thriller à l'américaine, avec plans nocturnes qui assimilent Mashhad - une ville sainte iranienne, recréée ici en Jordanie - à L.A., avec grosse musique bien envahissante quand le serial killer déboule, et surtout, surtout, avec une tendance au voyeurisme outrancier quand il s'agit de filmer la violence contre les femmes (qu'il condamne, bien sûr, nous l'avons compris). On nous rétorquera sans doute que les mêmes procédés ne nous choquent pas dans le cinéma coréen (on pense à The Chaser, par exemple...), mais c'est ici leur usage à égalité avec les techniques du cinéma du réalisme social qui pose quand même problème.
Les Nuits de Mashhad ne manque pourtant pas de qualité, ni de scènes fortes et passionnantes, quand il décrit le machisme violent de la société iranienne, et l'hypocrisie du système politique qui essaie à la fois de condamner et de justifier les actes criminels d'un fou de Dieu qui n'est, on le saisit vite, qu'un pervers refoulé des plus banals. On comprend mal par contre le Prix d'Interprétation à Cannes attribué à la très belle Zar Amir-Ebrahimi qui ne fait pas grand chose et n'est jamais convaincante (mais il s'agit sans doute d'un prix "politique" pour récompenser une actrice qui a souffert dans son pays pour sa liberté sexuelle). Et on ne peut s'empêcher de grincer des dents devant la dernière scène, qui voit les enfants du criminels mimer une scène de crime : l'idée de la transmission du Mal dans la société iranienne y est certes efficacement communiquée, mais un peu plus de subtilité de la part d'Abassi n'aurait pas fait de mal.