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Le journal de Pok
21 juillet 2022

"The Boys - Saison 3" de Eric Kripke : affreux, sales, méchants… et pitoyables !

The Boys S3 Affiche 2

Il faut bien reconnaître que le plaisir indéniable que l’on tire à regarder chaque nouvelle saison de la percutante série Prime Vidéo The Boys, une fois passée (un peu) l’excitation générée par son pitch initial (« les superhéros ne sont que des gens normaux, dont les super-pouvoirs amplifient les qualités et les défauts, ce qui les rend très, très dangereux »), est lié à deux choses : d’abord la pertinence et l’âpreté de la satire politique – qu’on persiste à trouver surprenante pour une série financée par Amazon ! – et ensuite l’outrance régressive d’une violence de plus en plus gore et obscène.

Il y a de grandes chances que dans ces deux domaines, la troisième saison de The Boys devienne la favorite des fans, tant l’équipe de scénaristes réunie par Eric Kripke frappe fort. La scène littéralement inimaginable qui déboule au bout des dix premières minutes du premier épisode sera difficile à dépasser d’ailleurs par sa combinaison de wtf et d’horreur sanguinolente, et il convient bien entendu de ne rien en savoir à l’avance pour que son impact soit maximal : un seul conseil, éloignez les enfants et les personnes sensibles de votre écran de télévision ou d’ordinateur ! Mais, au-delà de cette idée choc, chaque épisode recèle son lot de moments stupéfiants, aussi bien horrifiants, gore que frôlant parfois la pornographie, des moments heureusement (légèrement) désamorcés par un humour corrosif, pas si loin de celui des grandes années de Hara-Kiri : ainsi, le sixième épisode de la saison, le très attendu des fans de la BD et très bien nommé Herogasm, a particulièrement conquis l’Amérique puritaine qui lui a décerné une note proche de 10/10 sur l’IMDb, centré qu’il est sur une longue scène de partouze (très soft quand même de notre point de vue européen) entre super-héros et jeunes fans des deux sexes prêts à tout pour « pénétrer » l’intimité de leurs idoles… Il fait aussi souligner l’inventivité formelle de la série, qui n’hésite pas prendre des chemins de traverse réjouissants, comme lors d’une scène de comédie musicale très réussie, ou bien en intégrant des personnages de dessin animé ajoutant un contrepoint ironique aux tourments d’un personnage…

Le sujet central de cette nouvelle saison, se déroulant un an après la précédente, est la prise de pouvoir chez Vought – la société d’entertainment / vigilantes gérant les super-héros US – par un Homelander qui a désormais laissé libre cours à ses tendances psychopathes, et qui devient une sorte de dictateur absolu, régnant par la terreur. Face à lui, le groupe des Boys se reforme, tandis que la cohésion du groupe de Superhéros se dissout sous la menace que représente désormais Homelander pour tous. Le salut apparaîtra peut-être sous la forme d’une « arme absolue » développée par les Russes, mais on découvrira que les solutions peuvent s’avérer encore pires que les problèmes qu’elles sont censées résoudre… ce qui pourrait d’ailleurs être interprété comme une célébration du conservatisme en politique : « mieux vaut un mal connu qu’un bonheur incertain », ou, comme le chantaient les Who dans leur Won’t Get Fooled Again, « meet the new boss, same as the old boss »…

La saison voit donc les cartes des alliances rebattues en permanence, ce qui est fatigant, mais présente le gros avantage de détruire le peu de manichéisme qui subsistait encore dans la série. Alors que la monstruosité de Butcher devient de plus en plus envahissante, que les gentils Hughie et Starlight sont désormais loin d’être des héros américains à la posture morale irréprochable, on peut également trouver que l’ignoble Homelander reste le personnage le charismatique et le plus touchant de la série, à travers ses faiblesses tellement humaines, et grâce à l’interprétation exceptionnelle d’Antony Starr, un acteur qui a littéralement « explosé » (gag) grâce à The Boys, et qu’on a hâte de revoir ailleurs.

Politiquement, après avoir moqué l’avidité des grandes corporations et le manque absolu d’humanité qui en découle, The Boys en ridiculise ici la lâcheté fondamentale : face à un Président psychopathe comme Homelander, les employés sont prêts aux pires bassesses pour conserver leur job, voire leur vie !

Mais cette troisième saison met aussi en lumière la libération de la parole réactionnaire dans la société : Homelander devient, comme un Trump l’a été et l’est encore, un modèle pour l’Amérique blanche et misérable qui sombre dans le complotisme, la haine des minorités mais aussi du leadership politique et économique, et, bien entendu la glorification des armes à feu et de la violence. De « Black Lifes Matter » (et sa réponse fascisante de « All Lives Matter ») à la défense du Second Amendment comme critique pour la sauvegarde de la Grande Amérique, tout ce que les USA comptent de dérive réactionnaire est épinglé dans The Boys, avec une méchanceté jouissive. Ce qui ne signifie pas, heureusement, on l’a dit, que la série flirte avec le « politiquement correct », le « woke », les scénaristes prenant la peine de nous rappeler que l’abjection se rencontre de tous les côtés, que nul n’est à l’abri de ses propres penchants. Et bien entendu, en ces temps de guerre en Ukraine, les Russes tiennent désormais la corde, juste derrière Homelander, pour gagner la médaille d’or de la vilenie, entre les mafieux qui font la loi à New York, et les expérimentations inhumaines menées dans des laboratoires secrets du KGB.

Bref, dans The Boys, tout le monde est affreux, tout le monde est sale, tout le monde est méchant, tout le monde est pitoyable. Il est simplement dommage que le dernier épisode s’avère aussi décevant de par la façon dont il ramène le trauma des rapports père-fils au centre du scénario, et ne représente aucune avancée significative de l’intrigue principale… En attendant donc une quatrième et dernière livraison d’épisodes, prévue pour 2023.

Une série à déconseiller aux âmes sensibles, mais surtout à tous ceux qui souhaitent encore garder un peu d’espoir en l’humanité.

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