The BellRays à la Maroquinerie (Paris) le samedi 16 juillet
21h15 : « Blues is the teacher/ punk is the preacher » est l’une des nombreuses devises que Lisa Kekaula et Bob Vennum aiment à brandir à la face de leurs admirateurs comme de leurs détracteurs, et cette phrase emblématique est inscrite sur la guitare de Bob, histoire qu’on ne la quitte pas des yeux pendant les 80 minutes qui vont suivre, comme un repère au milieu de la tourmente.
Car, avec The BellRays, on le sait si l’on est déjà allé les voir sur scène, on sera au milieu de la tourmente, du blizzard, de l’ouragan, ou plus exactement d’un simoun brûlant, avec tous les grains de sable qui nous cribleront la peau sans une seconde de répit. D’un concert des BellRays, on sort forcément sonné, groggy, KO, avec les oreilles qui saignent et le cerveau qui n’arrête pas de rebondir à l’intérieur du crâne, avec cette impression d’être passé sous un rouleau compresseur. Et pourtant, on sait qu’on y retournera, et on y retourne chaque fois, parce que c’est vraiment « BON pour ce qu’on a », pour contrebalancer cette vie qu’on mène, qui nous mène. Lisa et Bob sont des activistes, des vrais, mais des activistes de l’amour, ils enseignent le Blues et prêchent le Punk Rock (et le heavy metal, aussi !). Et ils nous apprennent que dans la vie, il faut TOUT DONNER, toujours : une phrase que Lisa répète régulièrement durant le set, « We are here to give EVERYTHING, to YOU, to YOU, to YOU, and YOU, and YOU… » en pointant du doigt tour à tour chacun d’entre nous.
La Maro est pleine d’amis ce soir, des gens qui viennent à chaque fois que les BellRays sont à Paris, et que Lisa reconnaît avec plaisir. Le set commence sur un bref et brutal C’Mon de moins de deux minutes : c’est un appel aux armes, un cri de révolte et de plaisir. Et puis, à partir de là, c’est la furie : le son est parfait, avec la magnifique voix soul de Lisa toujours claire malgré les assauts soniques incessants de la guitare volcanique de Bob.
Cette fois, la section rythmique qui accompagne le couple est parmi l’une des meilleures qu’ils aient jamais eues, à notre humble opinion, avec un bassiste virtuose stupéfiant, et un batteur qui ne paie pas de mine mais qui ne doit pas, qui ne peut pas être humain, vu le rythme effréné et la violence des coups qu’il assène sur ses peaux. Et la qualité de ces deux musiciens tire encore le set vers le haut, sans parler du fait que les laisser s’embarquer de temps à autre dans un solo permet à Lisa et Bob se prendre quelques instants de repos.
Car, on l’a dit, le principe avec les BellRays, c’est d’enchaîner sans répit leurs morceaux, de plus en plus intenses, de plus en plus violents, de plus en plus hystériques, jusqu’à ce que naisse une sensation de perte de contrôle, d’extase ou d’épuisement. Ou les deux. Même si, très rapidement, on n’essaie plus de reconnaître les titres des chansons, on arrive quand même à reprendre les refrains, à les chanter de tout notre cœur. Il est néanmoins assez difficile, après coup, de se souvenir à quel moment précis on a basculé dans l’émotion – peut-être sur un Power To Burn particulièrement excitant, en forme de roadmovie springsteenien (« Take the wheel baby / Put your foot down on the gas / There’s nothing out ahead of us / That our love cannot surpass / We won’t let the sun go down on us / We’re gonna race it til the end » - Prends le volant bébé / Mets le pied sur l'accélérateur / Il n'y a rien devant nous / Que notre amour ne puisse surpasser / Nous ne laisserons pas le soleil se coucher sur nous / Nous allons courir jusqu'à la fin) ?).
Bon, comme toujours, il y a dans un concert des BellRays un moment de creux, où l’on fatigue vraiment : ce soir, ce sera quand Bob part un peu trop dans un délire heavy metal / guitar hero, et où la puissance du groupe frôle la violence caricaturale. On se dit alors que The BellRays gagneraient à nous offrir çà et là un morceau plus calme, pour pouvoir reprendre nos esprits. Mais le coup de barre ne dure jamais longtemps, et la toute dernière partie du set et le rappel seront superbes : avec le très soul Love and Hard Times où Lisa chante merveilleusement, et le furieux et ultra-speedé Black Lightning, comment ne pas être satisfaits ?