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Le journal de Pok
10 mai 2022

"WE" d'Arcade Fire : l’illusion du recommencement

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On sait qu’Arcade Fire, après avoir été célébré comme l’un des groupes de rock les plus importants du nouveau siècle après la parution de leurs deux premiers albums, est aujourd’hui LE GROUPE qu’il est branché d’affirmer détester. Il est sans doute normal de vouloir se distinguer de la masse des fans en adoration. Il est également logique que nombre d’entre nous, adeptes de la sobriété, déplorent la tendance à l’exagération superlative de Win Butler et Régine Chassagne. Mais il faudrait aussi reconnaître que, même si la qualité de leurs albums a décru progressivement, leur force scénique est restée intacte depuis leurs débuts.

« It's the age of doubt / And I doubt we’ll figure it out / Is it you or is it me? / The age of anxiety / (Are you talking to me?) » (C'est l'âge du doute / Et je doute que nous trouvions la solution / Est-ce toi ou est-ce moi ? / L'âge de l'anxiété / (Tu me parles, à moi ?)) – Age of Anxiety

WE, le sixième album d’Arcade Fire, sort presque par surprise juste avant l’annonce d’une nouvelle tournée mondiale, cinq ans après Everything Now : il nous est présenté comme une tentative de reconstruction face aux doutes et à l’anxiété caractéristiques de notre époque, un disque presque intime composé par le couple Régine – Win, un retour à un Rock moins expérimental, plus simple. C’est un effort a priori louable pour regagner le cœur de ceux qui critiquent leur goût pour l’excès : néanmoins, ce qu’on entend sur ce disque, ce n’est pas du tout ça, c’est au contraire un groupe qui essaie systématiquement de transformer chacune de ses chansons en démonstration de force, en une possible hymne à chanter tous ensemble dans les stades qu’ils rempliront encore cette année. Et si pour la première fois, ça pose problème, c’est bien qu’il y a un décalage criant entre la conception initiale des chansons et leur forme finale.

L’une des singularités de la démarche artistique de Win Butler, c’est l’ambition – que l’on peut qualifier de délirante – de transformer chacun de ses tourments intimes en leçon universelle. De passer du « I » (moi), le titre de la première moitié / face de cet album au « WE » (nous) qui qualifie la seconde face… et l’album tout entier. C’était déjà le cas avec cet extraordinaire disque de deuil qu’était Funeral, et ça avait touché le cœur d’une bonne partie de la planète rock en 2004. Il n'est pas certain que ça soit la même chose 18 ans plus tard, malgré les montées lyriques similaires (le puissant End of the Empire I-III va être certainement bouleversant en live !) et la même répétition des titres, assortis d’une numérotation en chiffres romains, pour des chansons différentes.

Ce retour aux origines du groupe, qui est également un retour aux origines de leur couple, fait certainement beaucoup de sens pour Régine et Win, mais en fait-il autant pour nous alors que nous avions toujours apprécié le fait qu’Arcade Fire avance toujours, et nous accompagne dans les traumatismes des années qui passent ? Et ce d’autant que, et c’est sans doute le plus important, si les chansons ont toujours la même énergie, elles manquent franchement d’inspiration… pour la première fois. Chassagne et Butler ont expliqué que certains titres avaient été composés à l’époque de Funeral, voire étaient même antérieurs : cela n’avait rien de rassurant, dans la mesure où ils avaient été écartés à l’époque, non ? Aujourd’hui, on comprend pourquoi : ils ont tout des caractéristiques des grandes chansons du groupe, sauf les mélodies. Or les mélodies irrésistibles ont toujours été l’un des vrais points forts du groupe, comme on l’a encore vu sur Everything Now, moins inspiré mais sauvé par une poignée de chansons fantastiques !).

WE est donc, malheureusement, le premier album moyen d’Arcade Fire, dont on peine à extraire des moments réellement mémorables : allez, l’intro avec Age of Anxiety I est quand même efficace – mais laisse attendre ensuite des merveilles qui ne viendront pas – et Unconditional II (Race and Religion), sur lequel Peter Gabriel vient prêter main forte à Régine, est un titre flashy-disco bien sympathique qui montre bien qu’Arcade Fire aurait mieux fait de continuer à évoluer.

Bon, on ne pourra guère s’empêcher d’aller vérifier ce que tout ça donne une fois transcendé par l’énergie du groupe sur scène, mais on va pour la première fois avoir du mal à argumenter face aux détracteurs du groupe. Et ça, ça fait mal…

Les derniers mots de l’album sont une question, clairement essentielle pour le couple et pour le groupe : « When everything ends, can we do it again? » (Quand tout se termine, est-ce qu’on peut recommencer de nouveau ?). Pas cette fois, pas cette fois…

 

 

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