"Poupée Russe - Saison 2" de Amy Poehler et Natasha Lyonne : Métro 77th Street Direction Budapest !
Il aura donc fallu trois ans à Amy Poehler et Natasha Lyonne pour trouver comment donner une suite à "Poupée Russe", leur série « high concept » basée sur une boucle temporelle façon "Un Jour sans Fin" ! La difficulté était de rester dans le même registre, c’est-à-dire la remise en question existentielle et psychanalytique d’une jeune femme profondément perturbée par une enfance difficile – du fait de la personnalité psychotique de sa mère – à l’occasion d’une perturbation plus que profonde de la réalité et du temps…, en trouvant un autre ressort fictionnel. C’est chose faite avec cette seconde saison, en 7 épisodes de 30 minutes au lieu de 8, qui joue cette fois le jeu du retour dans le passé des deux protagonistes, leur offrant l’opportunité de corriger leur future existence (… ou pas !).
Ce qui est évidemment très drôle ici, c’est d’abord que le voyage dans le temps – et dans les deux sens – se fait tout naturellement en prenant le métro new-yorkais, qui propulse Nadia dans les années 70. Mais c’est également que, dans ce passé, elle se retrouve littéralement dans la peau de sa mère (et donc enceinte d’elle-même !), et conduite à expérimenter elle-même les difficultés vécues par celle-ci, jusqu’à sa schizophrénie dans un épisode particulièrement dérangeant.
Ce qui l’est moins (drôle), c’est que cette seconde saison reste durant ses 5 premiers épisodes bien en deçà de la première, pour de multiples raisons : d’abord, parce que les poses déjantées et cyniques de Natasha Lyonne finissent par lasser à être trop systématiques ; ensuite, parce que les autres personnages sont beaucoup moins bien traités, moins riches que dans la première saison, avec en particulier une intrigue particulièrement bâclée en RDA pour ce pauvre Alan, qui ne méritait pas cette négligence. Pourquoi donc ne pas avoir rajouté un épisode de plus, et donc revenir au format de 8 épisodes, pour mieux nous conter cette histoire potentiellement passionnante d’étudiante ghanéenne à Berlin Est tentant de sauver un ami prêt à prendre tous les risques pour passer le Mur ?
Et puis, il y a quand même cette gêne qui nous saisit quand "Poupée Russe" revient dans la Hongrie de 1944 occupée par les Nazis… La question atroce de la spoliation des Juifs envoyés mourir dans les camps et de la disparition du trésor ainsi constitué semble quand même beaucoup trop sérieuse pour être ainsi traitée, sur un mode léger, presque en passant, par la série…
Heureusement, les deux derniers épisodes, excellents, rattrapent ces réserves, en conjuguant un joli délire SF avec une remarquable montée de l’intensité émotionnelle : la vieille règle de la moitié des histoires de voyage dans le temps voulant qu’on ne pourrait rien changer de ce qui doit advenir (l’autre moitié de ces histoires traitant au contraire des conséquences catastrophiques sur le présent lorsque le passé est modifié !), sert ici à alimenter une réflexion plutôt fine sur l’hérédité et l’impossibilité d’échapper réellement à « qui on est », de par son héritage génétique. Et sur l’opportunité de pardonner à ses parents quant à ce qu’ils ont fait et pas fait, du fait de circonstances dont on ignore a priori la teneur.
Une seconde fois, on s’est laissé embarqué par une série beaucoup plus ambitieuse qu’elle ne paraît a priori. Et on a pris beaucoup de plaisir. Maintenant, trouver un troisième concept pour une hypothétique suite nous semble quasi impossible… mais qui sait ? Nous retrouverons peut-être quand même Nadia dans 3 ans ?