"Son Vrai Visage" de Charlotte Stoudt : avec des morceaux de Toni Collette...
Comme souvent, il y a ce maudit titre français, qui en dévoile beaucoup trop sur le sujet de "Pieces of Her" (« des morceaux d’elle ! »), beaucoup plus cohérent avec le principe de la série de Charlotte Stoudt : il s’agit dans un format de thriller paranoïaque très seventies, de nous montrer peu à peu, de manière très fragmentée – et ce sera l’une des limites de l’exercice – ce qui a construit cette femme énigmatique qu’est Laura Oliver. Enigmatique parce que l’on ne saurait dire s’il s’agit d’une bonne mère prête à tout pour protéger sa gourde de fille ou au contraire une mauvaise mère qui ne lui témoigne aucune affection et lui ment en permanence. Parce qu’elle semble être une Américaine ordinaire faisant le bien autour d’elle dans la petite communauté endormie de Belle-Isle (non, pas en Bretagne, mais bien en Georgie), mais qu’elle peut se comporter comme une tueuse de sang-froid qui fait la une des télévisions sensationnalistes…
… Et c’est là que débute la série, lorsque les images de Laura, diffusées nationalement à la suite d’un fait-divers sanglant dont elle est l’héroïne involontaire, vont provoquer une réaction en chaîne dévastatrice. Les premiers épisodes de "Son Vrai Visage" sont impeccables, cultivant un mystère assez séduisant autour de Laura et de sa fille, dans une sorte de course poursuite remarquablement paranoïaque, donc, où personne n’est réellement ce qu’il semble. Toni Collette est excellente – qui a dit, comme toujours ? Tour à tour touchante et effrayante, humaine et monstrueuse, elle est la meilleure raison de regarder ces 8 épisodes de 50 minutes qui vont, malheureusement, échouer à maintenir notre intérêt au même niveau.
Le problème de "Pieces of Her" est que, à partir du best-seller de Karin Slaughter, dont le sujet est plutôt riche (les entreprises criminelles des multinationales, les groupuscules terroristes US…), voire même ambitieux (qu’est-ce qui constitue l’identité d’une personne ?), il semble que les scénaristes choisissent systématiquement les mauvaises options : ils réussissent à rendre invraisemblables un grand nombre de situations qui, a priori, mieux pensées, mieux écrites, devraient bien fonctionner. Le résultat est qu’on a souvent l’impression d’assister à un thriller d’assez bas niveau, sans en tirer non plus le plaisir habituel un peu basique, puisque les scénaristes essaient toujours de privilégier les aspects psychologiques de l’histoire : entre les deux genres, le drame humain et le policier à twists, "Pieces of Her" ne choisit pas assez clairement, ou fait les mauvais choix. En révélant finalement sans doute trop tard les tenants et aboutissants des événement du passé et leur impact sur les personnages, afin de réserver des surprises régulières au téléspectateur, les scénaristes nous rendent de plus en plus sceptiques quant à ce qui se passe à l’écran : et c’est ainsi que la série perd de plus en plus d’intérêt en avançant, alors même que les twists se multiplient… jusqu’aux dernières minutes du dernier épisode.
D’autres problèmes empêchent la série de fonctionner comme elle le devrait : l’interprétation tiède, voire franchement irritante de Bella Heathcote et de Jessica Barden (un très mauvais choix comme version jeune de Laura, alors que les deux actrices n’ont aucune ressemblance physique) prive leurs personnages de toute profondeur ; la structure de la narration, multipliant les flashbacks à des périodes différentes de la vie des protagonistes, ne nous égare certes pas, mais elle finit par nous frustrer et nous irriter du fait des ruptures permanente qu’elle induit.
On sort de "Son Vrai Visage" avec l’impression gênante d’avoir été attirés par une histoire potentiellement passionnante, et trahis par les créateurs et les scénaristes qui n’a jamais réellement su transformer cette histoire en une bonne série.