"Totems" de Olivier Dujols et Juliette Soubrier : la Guerre Froide par les nuls...
Il est difficile de dire si la douloureuse actualité de la guerre en Ukraine, qui voit la Russie redevenir l’ennemi absolu de l’Occident (et d’une bonne partie du reste du monde, du même coup), a servi ou au contraire pénalisé la diffusion sur Prime de la série Amazon Original "Totems", qui raconte une histoire d’espionnage au temps de la guerre froide autour d’une menace nucléaire – un satellite / bombe atomique mis en orbite par l’URSS dont les scientifiques soviétiques perdent le contrôle. Avons-nous réellement envie de nous « divertir » devant ce genre d’histoires en ce moment ? Pire, cet épisode imaginaire – et largement irréaliste – implanté dans un passé qui semble lointain aux jeunes générations, n’est-il pas bien « faible » par rapport à ce que nous voyons sur nos écrans de télévision à l’heure des informations ?
Et si, en fait, le pire ennemi de cette série française, lancée par une campagne d’affichage publicitaire assez conséquente, c’était sa piètre qualité ? Car ce que nous proposent Olivier Dujols et Juliette Soubrier avec "Totems", c’est un gloubi boulga rarement convaincant, combinant un scénario confus, des péripéties improbables et des personnages aux motivations peu claires : on est très, très loin d’un "Bureau des Légendes", pour citer la référence française absolue que quasiment tous les téléspectateurs ont forcément en tête…
Le héros de "Totems" est Francis Mareuil (Niels Schneider, sympathique, mais souvent peu crédible), un jeune et brillant scientifique français, contacté par le SDECE pour une mission d’espionnage à Moscou, alors que son père a été abattu quelques années avant comme agent au service de l’URSS. Son couple battant de l’aile, Francis va tomber amoureux de la fille du responsable du programme spatial soviétique, elle-même travaillant contre son gré pour le KGB. A partir de là, comme on l’imagine bien, les choses ne vont pas être simples, surtout quand les scénaristes se mettent en tête de jouer dans la cour du grand John Le Carré avec agents doubles, trahisons et jeux de billard à trois bandes… alors qu’ils n’en ont clairement pas le talent.
Si le comble du ridicule est atteint lors de la partie de l’histoire se déroulant dans l’Atlas algérien (mais la partie en Tchécoslovaquie n’est pas piquée des hannetons non plus !), qui ressemble à une vaste plaisanterie, de manière générale, rien ne tient la route ici, tant on a du mal à comprendre les décisions prises par les uns et les autres, tandis que le scénario comble ses lacunes grâce à des raccourcis inexplicables. On peut à la limite reconnaître que le dernier épisode nous offre enfin un semblant de tension, et quelques minutes d’empathie avec les personnages, avant une résolution peu claire de la situation.
Si Vera Kolensnikova est bien jolie, si Lambert Wilson reste le professionnel compétent que l’on connaît et respecte, si Ana Girardot arrive à sauver par moments un personnage très ingrat, il faut aussi malheureusement souligner combien la prestation de José Garcia – à qui on a confié un rôle absurde, il faut l’admettre – est catastrophique, et contribue à la consternation du téléspectateur.
Et puis, si l’on admet bien volontiers que la reconstitution des années 60 est soignée, grâce à un budget conséquent, et avec en particulier de jolies voitures d’époque, on se demande bien pourquoi tout est aussi uniformément sombre dans les appartements, qu’ils soient français ou russes. Il faudrait sans doute rappeler aux décorateurs de "Totems" que, si Internet n’existait pas encore, en effet, nous avions déjà inventé l’électricité en 1965.