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Le journal de Pok
5 mars 2022

"As I Try Not To Fall Apart" de White Lies : il y a de la vie après la mort

As I Try Not to Fall Apart

Lorsqu’ils étaient apparus en 2009 avec leur première album, "To Lose My Life…", White Lies nous avait semblé l’un des groupes les plus creux, les plus pompeux, les plus poseurs que la cold wave – ou le mouvement nostalgique « post-punk » - ait jamais engendrés : en capitalisant sur le thème de la mortalité qui avait élevé – malgré lui – Ian Curtis à la postérité, les petits jeunes délivraient une copie conforme de la musique de Joy Division, qui en singeait toutes les attitudes et tous les tics, sans jamais trouver la moindre once de vérité. Les prestations live du groupe confirmaient ce sentiment de fausseté, et n’étaient clairement sauvées que par quelques moments mélodiques, accrocheurs, où la capacité de White Lies à composer des chansons pop émergeait derrière la grisaille artificielle de leur « inspiration ». Inutile de dire que nous n’avions pas donné suite.

Plus de dix ans plus tard, la rumeur positive autour de "As I Try Not To Fall Apart", le sixième album du trio de Ealing, qui n’a pas connu de succès commercial notable, mais se trouve dans la position acceptable d’un groupe doté d’un public fidèle, nous a encouragé à tenter l’expérience de la redécouverte du groupe… Le fait même que, la maturité venue, le thème de la mort restait en apparence essentiel, comme en témoigne le premier titre de l’album, "Am I Really Going To Die", et son refrain obsessionnel (« This isn't my time to die, you're never really gonna die / I never really wanna die, I'm never really gonna die » - Ce n'est pas mon heure de mourir, tu ne vas jamais vraiment mourir / Je n'ai jamais vraiment envie de mourir, je ne vais jamais vraiment mourir) peut désormais jouer en la faveur d’une musique qu’on peut désormais de jouer, encore et toujours, le jeu de l’imitation de celle d’artistes plus importants. Mais ce qui convainc, c’est surtout l’accentuation bienvenue des colorations pop, l’utilisation de claviers ludiques et confère à la chanson des couleurs synth-pop, confirmées par le single "As I Try Not To Fall Apart", et même une certaine emphase baroque du chant de Harry McVeigh, comme si Bryan Ferry avait supplanté Ian Curtis.

Et on se dit qu’une chanson comme "Breathe", groovy et élégante, l’une des plus belles de l’album, aurait pu figurer sur le "Avalon" de Roxy Music, tout au moins jusqu’à ce que refrain la positionne dans un registre lyrico-emphatique qui serait celui du Simple Minds de "New Gold Dream" : soit des références encore une fois clairement années 80, mais qui changent agréablement des éternelles citations de Joy Division.

"I Don't Want to go to Mars" met les guitares hurlantes au service d’une protestation sans illusion sur l’usage actuel de la technologie : « I don't want to go to Mars / What kind of brainwashed idiot does? / It's all a lab-rat life in jars / They branded the dream of ages / … / Be with me here and return to dust / We can borrow your parents' car / And take it to all our places » (Je ne veux pas aller sur Mars / Quel genre d'idiot au cerveau lavé le voudrait ? / C'est toute une vie de rat de laboratoire dans des bocaux / Ils ont collé leur marque sur un rêve ancestral / … / Reste avec moi ici et retournons à la poussière / Nous pouvons emprunter la voiture de tes parents / Et aller partout où nous voulons). Il faut bien avouer que nous préférons nettement le White Lies engagé à celui qui se complaisait autrefois dans les célébrations morbides ! La ravissante chanson pop-new wave "Step Outside" confirme la maturité mélodique d’un groupe qui s’est définitivement renouvelé, dans le meilleur sens du terme… même si le puissant "Roll December" abuse un peu des quasi 7 minutes qui lui sont allouées, et nous rappelle qu’il y a toujours chez White Lies une certaine auto-complaisance qui gagnerait à être contrôlée : avec des chansons ramenées à 3 minutes au lieu de 5, "As I Try Not To Fall Apart" aurait été bien meilleur.

Typiquement, la seconde partie de l’album est moins frappante, mais on remarquera quelques influences « Rock Progressif » sur le pompeux "Blue Drift", et la belle ampleur de "The End", jusqu’à ce que le très réussi "There Is No Cure For It" boucle la boucle et revienne au thème d’ouverture, l’inévitabilité de la mort et la futilité des biens matériels : « Well, oak, mahogany, walnut / Who gives sixteen fucks what I'm buried in / Leave my money to stray dogs / Or some crumbling church I've never been in » (Eh bien, chêne, acajou, noyer / Qui peut bien se soucier de ce dans quoi je serai enterré / Donne mon fric aux chiens errants / Ou à une quelconque église en ruine dans laquelle je ne suis jamais entré).

En dépit de cette légère baisse de régime qui traduit une inspiration inégale, White Lies prouve avec son nouvel album qu’il a su mûrir intelligemment, et qu’avec quelques derniers ajustements, sa musique est indéniablement à la fois plaisante et pertinente.

 

 

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