Festival Nuits de l'Alligator : Blind Boy Paxton à la Maroquinerie le dimanche 20 février
21h05 : Jerron "Blind Boy" Paxton est un multi-instrumentiste américain surdoué : on entre, en compagnie de ce "vrai" bluesman, comme le souffle, admiratif, un de nos voisins du premier rang, dans une célébration à la fois humble et ambitieuse des racines de la musique américaine. Dès le premier titre, Cigarette smokers, on saisit que l'on va assister à un set exceptionnel (d’ailleurs Théo nous avait prévenus : « Vous n’êtes pas prêts pour ce que vous allez entendre ! ») : une voix à tomber, une virtuosité instrumentale époustouflante, et une tonne d'humour par là-dessus, que demandez de plus ? De grandes chansons ? Ça tombe bien, car Jerron reprend des classiques du blues, des chansons country cajun (il a été élevé en Louisiane…), des morceaux qui semblent tellement remplis d'histoire et d'âme que, presque à chaque fois, les larmes nous montent aux yeux devant tant de beauté.
Il nous explique que How I got Over était la chanson préférée de son arrière-grand-mère, et nous interprète ensuite au banjo (et la manière dont il en joue est incroyable !) un morceau sur lequel il dit que ses arrière-grands-parents se sont aimés… Quand il passe à un instrumental à l'harmonica, ce qu’il fait avec cet instrument souvent vu comme mineur respire littéralement de vie.
Ce qui est très cool avec Jerron aussi, c’est qu’il ne s’arrête pas de plaisanter entre les morceaux, avec une bonhommie et une gentillesse communicative. « Je n'ai jamais eu de hits, je joue la musique sur laquelle vos arrière-grands-parents buvaient ». Quand il joue Railroad Bill, il explique c’est une chanson sur les voleurs honnêtes qui vous volent le pistolet à la main, et pas avec un stylo comme les banquiers. Il se déclare déçu quand nous lui expliquons que les Français n'utilisent plus vraiment le bidet pour leur hygiène intime : il se lance alors dans une plaisanterie très drôle (intraduisible, et qui le fera littéralement éclater de rire) sur notre papier hygiénique en France, « dur comme John Wayne ! ». Il s'esclaffe en assimilant notre « apéritif » à « a pair of teeth »… Bref, on ne s’ennuie pas avec Jerron !
Et entre deux blagues, il nous offre la plus belle musique que nous ayons entendu sur scène depuis des lustres. Des instrumentaux à la guitare et à l’harmonica, célébrant les racines françaises de la Nouvelle Orléans (il dit retrouver dans notre accent le parler typique des noirs de Louisiane). Quand il s’assied au piano (on remarque alors la finesse de ses mains et de ses doigts !), il nous fait cadeau, après une petite intro classique qui le fait bien rire, d’une démonstration de honky tonk. Le set se termine sur une valse de Louisiane au violon : Drunkard Hiccup, qui lui permet de rire une dernière fois quand nous lui disons que, en français, hiccup se dit hoquet, qu’il comprend comme « OK ».
1h10 de pure magie avec une véritable "belle âme", et avec beaucoup de légèreté en plus de la leçon d'histoire de la musique. Un dernier commentaire, et une interrogation : comme son surnom de « Blind boy » l’indique, Jerron serait non-voyant (ou presque ?) !!! Nous n’en avons rien perçu, à aucun moment des longs dialogues qu’il a eu avec nous, ni dans sa manière de se comporter sur scène, entouré de ses instruments. Encore un miracle du Blues ?