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Le journal de Pok
27 janvier 2022

"Euphoria - Saison 1" de Sam Levinson : Sex Miseducation

Euphoria S1 affiche

J'ai été longtemps réticent à me plonger dans "Euphoria", car j'ai une aversion profonde pour les récits d'addiction. Je crois bien n'avoir jamais aimé, réellement aimé, un film racontant une addiction, particulièrement aux drogues : j'ai su reconnaître quelques fois les qualités du film, mais j'ai toujours ressenti un profond ennui devant ces récits prévisibles de déchéance, et peu d'empathie devant des personnages que, au fond de moi, j'ai toujours - injustement, je le sais - considéré comme des faibles, victimes non pas de systèmes sociaux destructeurs, mais bien de leur propres erreurs.

J'ai fini par regarder "Euphoria" quand on m'a expliqué qu'il s'agissait d'une version US de ce "Sex Education" anglais que j'adore. Et, de fait, j'ai apprécié ce portrait lucide de la sexualité des adolescents, confrontés à la mutation accélérée des comportements, des valeurs, des modes de communication individuels, dans un contexte d'angoisse générale quant à l'avenir de nos sociétés : les dommages causés par la virtualisation des rapports, la difficulté croissante de se choisir des repères moraux qui permettent d'effectuer une difficile transition vers l'âge adulte, le poids décuplé par les réseaux sociaux de l'image et du regard de l'autre, tout cela est en effet pertinent, et la plupart du temps, absolument passionnant. Même en prenant en compte l'exagération (ou l'avance ?) états-unienne - déliquescence de la cellule familiale, omniprésence des drogues, recours immédiat à la violence, goût pour la pornographie associé à une pudibonderie profonde -, il est facile de voir en "Euphoria" une description juste, et qui plus est, empathique, des épreuves que traversent nos enfants. Et cela rend le visionnage de la série tout simplement indispensable pour quiconque s'intéresse un minimum à ces questions, assez déterminantes quand même pour notre avenir à tous.

Ce qui ne veut pas dire que "Euphoria" soit le chef d'oeuvre que beaucoup de gens célèbrent en ce moment. Si j'ai réussi, personnellement, à surmonter partiellement mon aversion pour les histoires de camés, c'est surtout grâce au talent de la jeune Zendaya, impeccablement crédible dans toutes les situations - souvent extrêmes - qu'elle traverse : reste néanmoins que je n'ai pas pu éviter de soupirer d'ennui devant ses diverses rechutes, et l'inévitable répétitivité de ce parcours sans surprise.

J'ai aussi trouvé le scénario ainsi que la crédibilité générale de l'écriture des personnages (en particulier celui, central, de Nate Jacobs, qui ne fonctionne absolument pas, malgré le charme de son acteur, Jacob Elordi) assez erratiques, et très inférieurs de fait à leurs équivalents dans "Sex Education". Franchement, sur toutes les questions "sexuelles" et "comportementales", "Euphoria" me semble bien inférieure à sa série sœur anglaise, et souffre des habituels clichés doloristes et lourdement psychologiques du cinéma commercial US standard... Moins de légèreté, moins d'humour, moins de "respiration" pour des personnages très stéréotypés dans des situations trop écrites, moins de vérité humaine : il suffit pour en être convaincu de comparer les scènes quasiment identiques de l'avortement dans les deux séries, pour réaliser combien le montage et la réalisation de Sam Levinson manquent de cette grâce pourtant essentielle à la description de l'adolescence (on est également loin du travail de grands réalisateurs comme Larry ClarkGreg Araki et surtout Gus Van Sant !).

En écrivant ça, je sais combien je suis en désaccord avec nombre de fans qui s'émerveillent devant les prouesses techniques de la photographie et de la mise en scène : si en effet, certaines scènes sont belles, ou simplement spectaculaires, elles restent à mon sens plus dans l'artificialité du clip vidéo commercial que dans la vérité du Cinéma. C'est d'ailleurs une très agréable surprise de constater que les deux épisodes supplémentaires (de Noël ?), chacun consacré quasi uniquement à un dialogue - le premier entre Rue, l'addict, et son "guide" qui essaie de l'aider à décrocher, et le second entre Jules et sa psychologue - en viennent à l'essentiel, en se débarrassant enfin de toutes les scories de mise en scène qui ne servaient guère que comme technique de séduction d'un public ado.

Il me reste à souligner l'élément le plus évident de "Euphoria", qui lui permet de transcender sans efforts toutes ses limites, c'est la présence littéralement stupéfiante de Hunter Schaffer, acteur trans, dans le rôle pivotal de Jules : véritable incarnation angélique au cœur d'une série qui se complait plutôt dans les enfers de la société, Schaffer porte à elle seule toute la Beauté du monde. Ce n'est pas rien.

 

 

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