"Nightmare Alley" de Guillermo del Toro : the carny
Il y a longtemps que j'ai abandonné l'espoir que Guillermo del Toro, dont j'ai personnellement aimé la période "espagnole", avec en point d'orgue "le Labyrinthe de Pan", fasse à nouveau un bon film. Disons que je suis allé voir son "Nightmare Alley" en espérant juste qu'il serait moins médiocre que "la Forme de l'Eau". Et sur ce point-là, au moins, j'ai été satisfait. Pour le reste...
Del Toro reste un cinéaste obsédé par l'image, qu'il a tendance à "chiader" au delà du raisonnable, et surtout sans aucune considération vis à vis de l'adéquation entre la forme de ses films et leur propos : il n'est plus depuis longtemps un vrai réalisateur, il est juste un illustrateur d'histoires, et encore, un illustrateur formaliste et surtout passionné par la reproduction de styles graphiques ou visuels d'antan. Et dans la seconde partie de "Nightmare Alley", celle où l'histoire racontée devient enfin intéressante, celle où la mythologie du film noir classique devrait se déployer pour être revisitée et transcendée, Del Toro fait preuve d'une terrible lourdeur, accumulant pompiérisme dans les décors et alignement sans vergogne de clichés dépassés (le pire étant évidemment celui de la femme fatale, caricaturée par une Cate Blanchett qui n'a plus rien de la grande actrice que nous aimions).
Heureusement, il reste la première partie du film, qui, malgré - ou peut-être à cause de - sa relative indigence scénaristique, trouve un peu de vérité, et de beauté même, dans la description de la rude vie des forains, et de leur exploitation crapuleuse de l'ignorance crasse de leurs clients. Même si elle est trop longue, cette première partie du film nous laisse espérer un film plus libre, plus léger, plus vrai que celui qui va ensuite être déroulé devant nos yeux fatigués en suivant un schéma scénaristique tellement prévisible qu'il ne saurait finalement amener à une conclusion crédible.
Il faut aussi ajouter que l'une des faiblesses du film, qui reste divertissant, entendons-nous bien, est le choix de Bradley Cooper pour le rôle principal : cet acteur léger, charmant; n'a absolument pas la profondeur pour interpréter un personnage aussi complexe que le sien, et réduit à néant les efforts de Del Toro pour actionner le vieux ressort de la tragédie grecque du meurtre du père.
Bref, encore un film de Del Toro qu'on oubliera bien vite après l'avoir vu.