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Le journal de Pok
16 janvier 2022

"Fix Yourself, Not the World " par The Wombats : Un tunnel au bout de la lumière !

The Wombats Fix Yourself

En 2007, "A Guide to Love, Loss & Desperation", le premier album des Liverpuldiens « indie rock » comme on disait à cette époque déjà fort lointaine, de The Wombats nous avait ravi par sa fraîcheur, son inventivité, son énergie joyeuse. Même si on sentait bien que Matthew Murphy et sa petite bande aurait du mal à répéter leur petit coup d'éclat, sur scène, les lads nous réjouissaient et nous faisaient danser : pas mal d'approximation – dans un esprit un peu amateur fort sympathique, un peu d'humour, beaucoup d'énergie, quelques moments vraiment excitants, ils avaient tout d’un groupe doué mais pas exceptionnel. Oui, nous aimions leur mélange de pop explosive, sans complexes, et de trouble souterrain – en particulier dans des textes inhabituellement sombres, qui nous évoquait même parfois les terreurs d’un Robert Smith

A l’image des Irlandais de Two Door Cinema Club, ils ont ensuite opté pour une musique super-polie et boostée aux amphétamines électro-pop, afin de s’assurer un futur commercial acceptable alors que les temps devenaient durs pour le rock... "Glitterbug", leur troisième album, voyait les Wombats lisser leur musique au point de la rendre totalement transparente, insipide comme la "pop" banale de la première starlette RnB venue. Nous les avons quittés sans regrets.
Et puis, quelque chose s’est passé : si le virage commercial du groupe n’a pas entraîné le succès voulu, leur chanson "Greek Tragedy" s’est vue remixée, adoptée de manière totalement inattendue par des millions de Tik Tokers à travers le monde, offrant au groupe une seconde chance des plus improbables. Alors quand leur nouveau single, "If You Ever Leave, I’m Coming With You", avec ses lyrics drôles et décalés qui nous parlaient forcément (« You know I'll do / Whatever you want me to / Throw a banquet in a mosh pit / I'll get out of bed / Stop listening to Radiohead » - Tu sais que je ferai / Tout ce que tu veux / Organiser un banquet au milieu d’un mosh pit / Je sortirai de mon lit / J’arrêterai même d'écouter Radiohead !), a commencé à tourner sur les ondes, on s’est dit qu’il était sans doute temps d’arrêter d’en vouloir aux Wombats pour leur… « trahison », et d’accepter de danser à nouveau sur les chansons faussement lumineuses de Matthew Murphy.

Sur leur nouvel album, au titre bien venu, dont on peut, avec juste un peu de provocation, considérer la thématique comme un écho pertinent au dernier bouquin de Houellebecq ("Fix Yourself, Not the World", soit quelque chose comme « occupe-toi d’ailleurs de toi-même avant de vouloir sauver le monde »), on a tout de suite retrouvé la vieille aisance du groupe à pondre des mélodies entraînantes pour raconter des horreurs, ou tout au moins pour repeindre de couleur fluo leurs états d’âme assez noirs. Témoin par exemple l’irrésistible "Worry", qui nous ferait bien danser avec nos copines allumées toute la nuit en ressassant obstinément : « It's not, it's not, it's not paranoia if it's really there / Too much, too much / I worry, I worry too much » (Ce n'est pas, ce n'est pas, ce n'est pas de la paranoïa si ça existe vraiment / Trop, trop / Je m'inquiète, je m'inquiète trop).

Débutant sur une affirmation peu amène : « Spare me the drone of your conversation / Spare me my lack of sophistication » (Épargne-moi le bourdonnement de ta conversation / Épargne-moi tes commentaires sur mon manque de sophistication), "Flip Me Upside Down" s’avère en fait des plus revigorants. De la même manière, la rumination pessimiste de "This Car Drives All By Itself" sur l’avenir d’une humanité condamnée par sa technologie (« I see a tunnel at the end of the light », soit « Je vois un tunnel au bout de la lumière… » malin, non ?) n’empêche pas la chanson d’être brillante.

Oui, le monde va très mal, et Matthew Murphy et ses deux potes – le groupe n’ayant pas changé depuis ses débuts – ont vécu / vivent la même galère que nous : « What a crazy pranged out year / And we spent most of it kissing teeth / Locked in a quarantine » (Quelle année folle / Et nous avons passé la majeure partie de notre temps à tchipper / Enfermés en quarantaine), chante Matthew sur la chanson au titre le plus euh… enthousiasmant de l’album : "Everything I Love Is Going To Die". Il n’y a donc aucune raison pour que la musique des Wombats, aussi expansive soit-elle pour qui n’écoute pas ses paroles, ait changé, au contraire : certes, elle est devenue plus dance, plus synthétique que post punk / cold wave, même si les guitares carillonnent et grondent à l’occasion ("Ready for the High" est un vrai titre Rock !)… mais elle reste aussi tourmentée qu’à leurs débuts. La comparaison que nous faisions à l’époque avec The Cure n’est certes plus « musicalement » pertinente, mais thématiquement, on y est toujours : comme Matthew le chante sur "People don't change people, time does", « And we're all trying to get better / And we've all had quite enough / Of this pleasant displeasure / But people don't change people, time does » (Et nous essayons tous d'aller mieux / Et nous en avons tous assez / De cet agréable mécontentement / Mais les gens ne changent pas les gens, c’est le temps qui s’en charge). Bref, noir, c’est noir, et il n’y a plus d’espoir.

Alors en attendant la fin du monde, ou tout au moins du monde tel que nous le connaissons, faisons la fête, dansons, aimons-nous : « No Future » n’a jamais sonné aussi légèrement que sur le dernier album des Wombats.

Et ça, c’est un pur cadeau que ces mecs nous font, sans aucun doute.

 

 

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