"Marché Noir" de Abbas Amini : Meat Is Murder
Soyons lucides : si "Marché Noir" était un polar français, il recueillerait de nombreux éloges, tant il dépasse de la tête et des épaules la quasi-totalité de ce qu’on qualifie de « thrillers » en France, et qui peinent à nous parler de quoi que ce soit de pertinent sur nous et sur notre société, sans nous divertir pour autant.
Mais "Marché Noir" vient d’Iran, soit depuis des décennies, un pays où la qualité du cinéma est bien supérieure en moyenne à la française, et il fait finalement pâle figure par rapport au reste de ce qu’on a pu voir ces derniers mois venant de là. On le compare naturellement à "la Loi de Téhéran", avec lequel il partage une description clinique d’une société profondément dysfonctionnelle, totalement corrompue, où pour survivre – et pour nourrir sa famille – chacun est prêt au pire.
Il est difficile également de ne pas trouver une certaine ressemblance entre le protagoniste de "Marché Noir" et celui de "Un Héros", les deux étant à la fois victimes d’un enchaînement funeste de circonstances, mais également de leur propre penchant au mensonge et à la dissimulation...
Mais il rend incontestablement des points à ces deux films : après un démarrage plutôt impressionnant lors des scènes initiales, glaciales, dans l’abattoir, la mise en scène d’Abbas Amini ne sera jamais plus marquante, et laissera au contraire le film sombrer dans une demi-torpeur qui peut certes s’apparenter à un certain type d’atmosphère – étouffante, pesante – appropriée pour cette histoire faussement complexe mais réellement sans issue. On finit par s’ennuyer doucement, à force de ne pas se sentir impliqué dans le destin de personnages sans relief (il faut reconnaître que l’interprétation générale est assez poussive, hormis peut-être celle de Manu Haghighi en parfaite ordure).
Si le scénario a l’intelligence de revenir sur le passé récent du héros, qui a tenté de rejoindre la Grande-Bretagne en passant par la France et la jungle de Calais, et a échoué – son récit, morcelé et elliptique, fait néanmoins écho à bien des drames dont nous sommes témoins ici -, il manque vraiment de clarté dans sa description des trafics divers et variés (la viande et les dollars) dont nous sommes les témoins égarés. Et "Marché Noir" se termine de manière particulièrement convenue, sans d’ailleurs clore la trajectoire de son personnage principal.
Il nous laisse donc en rade, à demi somnolents devant le manque de substance de ce qui était au départ une histoire prometteuse.