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Le journal de Pok
9 janvier 2022

"The Girl from Oslo" de Kyrre Holm Johannessen et Ronit Weiss-Berkowitz : le cul-de-sac israélo-palestinien

Bortfort affiche

On ne peut pas dire que depuis que les plateformes de streaming ont pris le contrôle de nos loisirs, nous ayons été privés, pour peu qu'on cherche un peu, de fictions sur le conflit israélo-palestinien. "Bortført", c'est à dire "Enlevée" en norvégien (ou encore "The Girl from Oslo" ou "Abducted", suivant le titre international auquel on se réfère) arrive donc un peu tard pour prétendre à une quelconque originalité, si ce n'est par son statut de co-production israélo-norvégienne : et c'est bien en prenant les "accords d'Oslo" de 1993 comme point de départ historique et géographique de la fiction - du fait de leur échec à régler le conflit entre Israël et les territoires palestiniens, et en particulier la bande de Gaza - ainsi que comme véritable origine du drame politico-familial au cœur de son scénario -, que "Bortført" tente clairement de se distinguer des séries TV plus ou moins similaires.

Kyrre Holm Johannessen, pour la Norvège, et Ronit Weiss-Berkowitz pour l'état hébreu, ont choisi d'adopter un ton aussi froid et objectif que possible, rejetant systématiquement tout sentimentalisme dans leur description d'une tragédie qui n'épargne pourtant pas ses protagonistes, courant ainsi le risque que le téléspectateur peine à s'identifier à des personnages qui peuvent paraître insensibles : le jeu très neutre de Anneke von der Lippe, interprétant Alex, la mère d'une jeune norvégienne enlevée dans le Sinaï par Daesh en compagnie de deux israéliens, mais aussi du charismatique acteur israélien Amos Tamam, qui joue Arik, un homme politique retors et ambigu, empêchent clairement l'instauration d'un climat mélodramatique qui aurait sans doute été logique, et plus engageant sans doute.

Le choix - louable a priori - de "Bortført" est de privilégier une description presque clinique des dysfonctionnements politiques, aussi bien du côté israélien que du côté palestinien, en explicitant d'ailleurs clairement le cul-de-sac dans lequel se trouve actuellement placé le Hamas, coincé entre une négociation impossible avec l'ennemi hébreu et les poussées extrémistes représentées par l'Etat Islamique, recrutant de plus en plus de sympathisants parmi la jeunesse de Gaza (avec le très beau personnage de Yussuf, sans aucun doute le plus intéressant de tous), voire parmi les déçus du Hamas. La peinture frontale de l'inhumanité barbare de Daesh, si elle est saisissante, est au final moins instructive que le fait de parcourir au fil des 10 épisodes de 30 minutes de la série, au côté de ses personnages, le labyrinthe sans issue des manipulations réciproques auxquelles se livrent politiques et militaires.

On peut malheureusement reprocher pas mal de choses à ce scénario, qui aurait dû être impeccable pour illustrer le propos des showrunners : les décisions prises aussi bien par Alex que par Arik sont souvent trop irrationnelles et contre-productives pour être crédibles, ce qui a pour effet de nous détacher d'une fiction qui perd peu à peu sa crédibilité. Pire encore, les deux derniers épisodes, sans doute voulus comme surprenants par la manière dont la fiction s'emballe sous l'effet d'éléments imprévus, semblent surtout frôler un véritable n'importe quoi : parce qu'on ne nous a rien laissé voir de la machination au sein du Hamas, parce qu'on nous prive aussi d'une conclusion pourtant importante au volet norvégien de l'action, il nous est vraiment difficile de nous satisfaire d'un final qui, s'il a le mérite d'être moralement ambigu et politiquement réaliste, nous laisse surtout en plan.

 

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