"47 Cordes" de Timothé Le Boucher : 47 nuances de gris (terne)...
Je ne sais pas ce qu'il y a dans le "style" de Timothé Le Boucher qui le rend aussi attractif, mais il est définitivement difficile de résister à l'un de ses nouveaux livres quand on le voit exposé sur une table de libraire : est-ce ce trait d'une précision et d'une pureté rares, totalement "ligne claire" tout en se parant des attributs du réalisme ? Est-ce la promesse de récits mélangeant, presque selon la recette Netflix, un fantastique contemporain avec les mécanismes et la psychologie simplifiée du soap ? En tous cas, ça ne loupe jamais pour moi, et "47 Cordes, tome 1" n'aura pas été une exception.
Ce qui ne veut pas dire, bien au contraire, que les livres de Le Boucher soient toujours au niveau de nos attentes, et même s'il faudra évidemment attendre la parution du second tome pour porter un jugement objectif sur cette histoire de créature polymorphe jetant son dévolu sur un jeune musicien, et usant de toutes ses considérables ressources (son pouvoir bien sûr, mais aussi son argent et sa célébrité...) pour le séduire, ce premier volume n'est guère convaincant.
Le scénario de ce premier tome est beaucoup trop long par rapport au thème traité et même aux enjeux que Le Boucher accumule, avec de nombreuses sous-intrigues qui n'apportent pas grand chose au livre. Plus gros souci sans doute, le personnage principal du musicien séducteur est inintéressant au possible (Le Boucher doit s'en rendre compte, car dans un étonnant, moment méta, ce manque de relief du héros se voit signalé par un autre personnage !) - ce qui pose le problème assez grave de la vraisemblance de cette fascination qu'il semble exercer sur tous. Cerise sur le gâteau, "47 cordes" s'égare dans sa seconde partie dans des orgies à la "Eyes Wide Shut" qui s'avèrent plus ridicules qu'autre chose. Et à la longue, le dessin très dépouillé de Le Boucher et la colorisation plate et terne finissent par engluer le récit dans une ambiance morne qui ne l'aide pas.
Bref, si l'on apprécie que Le Boucher traite intelligemment le sujet actuel de la fluidité du genre, qu'il n'a pas peur - pour la première fois, me semble-t-il - de montrer des corps non "standards", ce n'est pas suffisant pour rattraper la terrible impression de vacuité et d'ennui de ce premier tome des "47 cordes".