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Le journal de Pok
8 décembre 2021

"Life is Dead" de Cannibale : Cannibal Holocaust sur un dance floor électro-psychédélique

Cannibale Life Is Dead

Le cannibalisme n’a jamais eu particulièrement bonne presse, depuis que Christophe Colomb a découvert en débarquant dans le Nouveau Monde des tribus amazoniennes pratiquant l’anthropophagie : associé pendant des siècles à la pire des barbaries par une religion catholique toujours prête à justifier le massacre des indigènes non convertis, le cannibalisme a fini par devenir de plus en plus fashion avec les films italiens gore des années 80 (Cannibal Holocaust, le genre), puis avec le comble du raffinement et de l’intelligence d’Hannibal Lecter. Aujourd’hui, quel nom plus cool pourrait-il y avoir pour un groupe de punk rock que « Cannibale », puisqu’on brise un tabou suprême tout en s’octroyant une crédibilité barbare incontestable ?

Si l’on suit cette logique, Cannibale, groupe français qui se retrouve de plus en plus en tête d’affiche chez Born Bad Records, aurait donc choisi d’illustrer fièrement le radicalisme de son Rock garage. Mais jeter une oreille rapide sur Life Is Dead (un titre d’album joliment absurde qui ouvre des pistes intéressantes quant aux chansons qui le composent), troisième album de ces Normands un peu flous, permet de réaliser qu’on fait fausse route… et donne envie de mieux comprendre de quoi il retourne ! Car nos « cannibales de l’Orne » se rêvent moins cousins des éternels psychédéliques – gardiens du temple 60’s – de la côte ouest des US que collègues musicaux des Tropicalistes brésiliens ou des musiciens des Caraïbes, mais sans pour autant négliger de mitonner leur recette goûteuse dans le chaudron cabossé d’un Garage Rock qui reste d’autant plus pertinent qu’il ne cesse jamais d’être souriant.

Loin, très loin, de ces vagues actuelles qui recyclent avec trop d’aisance les coups de génie des années 80, Cannibale poursuit la geste d’un rock indépendant français entamé par des Négresses Vertes ou une Mano Negra, s’écartant intelligemment des racines anglo-saxonnes du Rock. Et ça fait vraiment, mais vraiment du bien !… Même si l’on a très envie de les défier d’écrire plutôt leurs textes en français, ou en espagnol (comme sur le très efficace single, Es El Amor), ou mieux encore en portugais du Brésil pour être encore plus cohérents avec le thème du cannibalisme…

A l’image du hibou halluciné – ou bien hallucinatoire – de la pochette, perdu dans une sombre et menaçante forêt et tournant le dos au salut du ciel bleu et du soleil solitaire – s’enfoncer dans Life Is Dead s’apparente à un voyage sans retour possible dans le vortex psychédélique d’une musique de plus en plus décalée : alors qu’on a débuté l’album sur un terrain connu avec le rock garage délirant et entraînant de Life Is Dead et les gimmicks dance célébrant l’amour sensuel de Es el Amor, on en arrive une demi-heure plus tard à la complainte solitaire de Let Enter the Light, à l’oxygène raréfiée de l’instrumental abstrait Chasse à Contre, et finalement à la sorte de folie « à la Syd Barrett » de Whip, qui aurait pu de fait figurer sans choquer sur The Madcap Laughs !

Mais comment en est-on arrivé là ? Eh bien parce que, sans y prendre garde, on a autorisé le groupe à infecter progressivement notre cortex : sur le single / monstre de Frankenstein Kings of the Attics, crédibilisé par la présence amicale de Fabrice Gilbert de Frustration, on a joui sans pudeur de l’assemblage décousu entre punk énervé et espagnolades gouleyantes ; The Mouth of Darkness, derrière son titre gentiment gothique, nous a entraîné sur un dance floor où nous avons agité en l’air nos petits bras en feignant de repousser une attaque de danseurs de disco transformés en zombies ralentis ; on a accepté de se faire doucement mâchouiller, voire franchement boulotter par la guitare wah wah du superbe slow romantico-trash Taste Me

… Alors quand est arrivée l’irrésistible mélodie de You Smashed a Cake on my Face, qui sonne presque comme les Stranglers qui auraient complètement lâché la rampe après la Folie, on était franchement prêts à tout supporter de la part de Nicolas et Manuel, et surtout un I Don’t Want to Rot, qui faisait de nous les héros putréfiés de Walking Dead, quitte à perdre dans un inévitable mosh pit quelques-uns de nos membres, ou même nos entrailles complètes.

Mais la véritable claque de Life Is Dead, ce sont les six minutes et demie fascinantes, et même complètement hypnotiques, de Savoring your Flesh, melting pot électro-garage-caribéen improbable, et à notre avis sommet à date de la musique de Cannibale.

Et tant pis si à la fin, nous ne sortons jamais plus de ce labyrinthe toxique, le plaisir de la transe a été total. Et devrait durer jusqu’au 3 mars prochain, où le Café de la Danse sentira la jungle putride et la chair décomposée.

 

 

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