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Le journal de Pok
27 octobre 2021

"Octobre" de Søren Sveistrup : l'homme aux marrons

Octobre poster

Depuis le choc mémorable de "Forbrydelsen" (la version originale de "The Killing", qu’il ne faut bien entendu pas confondre avec les médiocres adaptations anglo-saxonnes ou autres qui ont suivi) en 2007, suivi du gros coup de cœur de "Bron", quatre ans plus tard, nous avons attendu, attendu une série TV scandinave qui retrouve le même niveau d’intelligence diabolique et de désespoir noir : chaque tentative vue depuis s’est avérée une petite déception, mais a au moins servi à alimenter notre soif. Alors si la minisérie en 6 épisodes "Octobre" (titre français peu explicite et un peu à côté de la plaque de "Kastanjemanden", soit "The Chestnut Man" en version internationale…) n’atteint pas non plus le niveau d’excellence établi par les deux séries pionnières, elle s’en rapproche magnifiquement. Et risque bien de constituer le sommet télévisuel de l’année pour les vrais amateurs de polars nordiques. Mais, pour confirmer qu’au cinéma non plus, il n’y a pas de coïncidences, le co-créateur d’"Octobre" – à partir de son propre roman – est Søren Sveistrup, ni plus ni moins que le scénariste de "Forbrydelsen" !

On a, de manière classique – usée, un peu ? – affaire ici à deux enquêteurs mal assortis et surtout tous deux « à la ramasse » : elle, quasi incapable de se relationner avec les autres, souffre de ne pas s’occuper correctement de sa petite fille, qu’elle ne peut s’empêcher d’abandonner pour aller résoudre ses enquêtes, tandis que lui semble déconnecté du monde réel depuis qu’une tragédie personnelle l’a dévasté. Ensemble, ils vont affronter un tueur de femmes, qu’il abandonne mutilées et accompagnées de sinistres figurines assemblées à partir de châtaignes (ou de marrons ? la différence entre les deux est l’un des sujets amenant à la résolution de l’énigme, mais nous n’en dirons pas plus…). Le tout est relié à un massacre perpétué dans une ferme isolée trente ans plus tôt, et à une femme politique danoise dont la fille a disparu voilà un an.

On reconnaît bien là tous les ingrédients du polar scandinave classique, y compris dans l’enchaînement de fausses pistes et de faux coupables jusqu’à une révélation finale particulièrement surprenante… Et un contexte politico-social riche, depuis la description (rapide ici) des arcanes du pouvoir, qui rappellera "Borgen", jusqu’à la critique d’un système social là-bas aussi dépassé par la cruauté humaine (on y a trouvé pour le coup des échos de l’excellente série de films "les enquêtes du Département V").

L’atmosphère est sombre, les meurtres atroces, sans que les aspects gore soient trop exposés comme cela aurait certainement été le cas dans un film ou une série US, et la psychologie des personnages largement ignorée par l’intrigue et la mise en scène : comme il se doit, tout ici est froid, sans âme, et les cris d’horreur sont muselés, lissés par une société danoise qui regarde visiblement de l’autre côté pour préserver sa réputation de paradis social-démocrate. Seule l’image, régulièrement magnifique, de forêts automnales, cuivrées sous le soleil déclinant, rappelle de temps à autre que la Beauté existe dans un monde indifférent aux turpides humaines.

Bien sûr, ceux qui sont hostiles à cette sorte d’asthénie généralisée et au manque d’empathie des personnages qui caractérisent le genre n’ont sans doute rien à faire devant une série qui se positionne à l’opposé des blockbusters états-uniens, mais nous ne pouvons rien pour eux. Par contre, l’honnêteté nous pousse à admettre que le dernier épisode en particulier, en allongeant inutilement le combat final entre le criminel révélé et ses poursuivants, multiplie justement ces clichés et ces invraisemblances que les scénaristes avaient réussi à éviter en grande partie jusque-là. Et nous laisse même sur une sorte de happy end au goût dérangeant… Qu’il est dommage de passer ainsi si près de l’excellence et de ne pas savoir conclure !

Voici en tout cas une minisérie indispensable à tout amateur de vrais polars.

 

 

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