Mourir peut attendre affiche

Voilà encore une séance de cinéma dont je suis sorti absolument furieux, avec ce sentiment terrible qu'on m'avait ravi trois heures de ma vie pour me faire passer par tous les stades de l'ennui, de l'irritation, du dégoût. J'ai même écrit le mot de "étron" à un ami, tellement j'étais écœuré. Et bien entendu, la grande salle du multiplexe où "Mourir peut attendre" était projeté était comble, ce qui est assez désespérant alors que tant de bons films passent dans des salles quasiment vides... mais c'est une toute autre histoire.

Ce que Cary Joji Fukunaga et son équipe de bras cassés sur-payés nous ont concocté avec ce "dernier James Bond" - dans tous les sens du mot -, c'est le cauchemar absolu de tout spectateur ayant gardé au fond de lui un minimum de passion pour le 7è Art. On commencera par citer un scénario littéralement sans queue ni tête - et sans que visiblement aucun scénariste sérieux se soit donné la peine d'essayer de construire la moindre logique narrative (on n'utilisera pas, volontairement, le mot de "vraisemblance", on est quand même dans la saga "James Bond", qui a probablement le plus beau record de toute l'histoire du Cinéma en termes de taux de navets) - puisque le but du jeu a été de convoquer sans chercher aucune justification pour ça les protagonistes des films précédents de "l'époque Daniel Craig" et de leur faire faire un dernier tour de piste, la plupart du temps pour les liquider (sans doute le syndrome "série TV" qui a décomplexé Hollywood quand il s'agit de faire mourir des protagonistes). On déplorera ensuite une absence complète de cohérence dans la direction artistique, le jeu consistant là aussi à faire référence dans chaque partie du film à un épisode antérieur, et la grande, l'extrême difficulté qu'ont des acteurs, dont on connaît pour certains le grand talent (Rami MalekRalph FiennesChristoph Waltz) et pour d'autres la compétence professionnelle (Daniel CraigLéa SeydouxJeffrey Wright...), d'exprimer quoi que ce soit de crédible, sans même parler d'intéressant, tant les situations qu'ils doivent interpréter sont ridicules et les dialogues pitoyables. Les innombrables scènes d'action - en général également absurdes et filmées sans grâce ni tension - qui se succèdent plombent encore plus le film, et le spectateur sombre irrémédiablement dans l'ennui : aucune excitation, aucune implication émotionnelle, aucun sentiment possible envers les pantins qui s'agitent à l'écran, et dont le destin nous indiffère royalement.

Mais bien sûr, le pire n'est même pas là, dans cette incompétence "technique" générale : ce qui fait mal, c'est l'irrespect total - là encore, justifiable sans doute par la bêtise ambiante - envers les principes de la série. Le personnage incarné par Craig ici, qui se comporte tour à tour comme un lycéen amoureux (sans la crédibilité de ceux de "Sex Education" !) et comme un père de familial banlieusard, n'a rien à voir avec l'espion de fantaisie imaginé un jour par Ian Fleming et qui avait survécu à des interprétations successives pour le moins irrégulières. En pensant "humaniser" un personnage qui n'en avait nul besoin, on l'a surtout noyé dans des clichés d'une banalité terrifiante.

Et la fin de "Mourir peut Attendre", passage de relais annoncé à un futur 007 probablement féminin et noir - même si la transparente Lashana Lynch ne nous donne pas beaucoup d'espoir au vu de sa performance très oubliable -, atteint une imbécilité stellaire en termes d'incohérence et d'inutilité, qui nous ferait presque regretter la mutation pourtant nécessaire de la franchise pour regagner une pertinence perdue depuis longtemps.

PS : "Mourir peut Attendre" évite la note la plus basse de notre classement personnel grâce à une scène - celle de Cuba (même si l'extermination du Spectre n'y fait aucun sens, mais on ne va pas revenir encore sur la nullité scénaristique du film) et celle qui voit la radieuse Ana de Armas enfoncer en deux répliques amusantes, un sourire enjôleur, et trois cascades épatantes tout le reste du casting. Et tout le reste du film. Et nous rappeler du coup, à elle toute seule, le type de divertissement qu'était - et aurait dû rester - un "James Bond".