"Small Axe : Red, White and Blue" de Steve McQueen : changer le monde
Les cinq films de Steve McQueen composant le corpus Small Axe, présenté comme une série TV qu’il n’est pas vraiment, constituent l’un des plus remarquables travaux de mémoire réalisés de ce côté de l’Atlantique sur le racisme systématique dont sont victimes les populations immigrées, surtout si elles ont la peau foncée.
Red, White and Blue raconte la très, très difficile intégration de Leroy Logan (encore une histoire vraie), jeune universitaire qui décide rejoindre les rangs de la police londonienne, pour « changer les choses », après avoir vu son père tabassé sans raison par deux bobbies racistes. Avec au premier rang un John Boyega qui fait oublier ici sa contre-performance dans Star Wars, Red, White and Blue dépasse la démonstration – efficace, toutefois – de l’abomination des comportements de la quasi-totalité de la police anglaise, pour peindre un superbe portrait en demi-teinte des difficultés persistantes que connaît une population souhaitant s’intégrer, mais constamment humiliée et rejetée. Et bien sûr, parce que l’angélisme n’est pas le style de la maison McQueen, le film montre crûment la délinquance endémique et la haine contre la police au sein de la communauté antillaise, qui empêchent ce « changement » si nécessaire d’advenir. S’il y a une frustration devant Red, White and Blue, c’est celle de voir le film s’achever beaucoup trop vite, au bout d’une heure vingt, à un moment-clé de la vie de Leroy, quand, découragé, il pense renoncer à sa « mission », mais que sa famille l’encourage à se battre : on aurait voulu connaître la suite, bien entendu. Reste que c’est sans doute plus intelligent de la part de McQueen de ne pas nous révéler si Leroy a réussi ou échoué (mais comment pourrait-il réussir, honnêtement ?), puisque c’est à chacun d’entre nous de devenir la « petite hache » qui abattra le grand arbre, et qu’il importe que nous fassions ce travail quelles que soient nos chances de succès.