"Hoorsees" de Hoorsees : l'éternelle beauté de la mélancolie (avec des guitares !)
On se souvient encore de notre découverte en live de Hoorsees, quatuor parisien électrique et inspiré : c’était sur la scène de notre très chère Maroquinerie, avant Bryan’s Magic Tears et le Villejuif Underground, et surtout quelques semaines avant que tout s’arrête du fait d’un virus dont on ne parlait pas encore en cette soirée du 11 janvier 2020. On avait été enchantés par l’énergie, le son, les chansons, l’humour aussi de ce quatuor parisien, qui n’avait encore à son actif qu’un premier EP, Major League of Pain.
Alors que notre monde a bien changé, Hoorsees sort enfin son premier « vrai » album, qui confirme tout le bien qu’on avait pensé d’eux. Mais d’abord, un petit rappel pour ceux qui n’ont pas tout suivi : le nom « Hoorsees » ne serait pas un hommage aux chevaux – qu’Alexin, chanteur du groupe, affirme détester (et d’ailleurs c’est un chien qui figure sur la pochette « rose ironique » de ce premier LP) – mais un anagramme foutraque de Horror Sees, une chanson du groupe !
Dès l’ouverture très volontaire de Hoorsees, on repère des accents de The Cure – dans le son de la guitare avec réverb (une guitare toujours bien en avant sur tous les morceaux), mais aussi dans la tonalité de la voix d’Alexin : une référence qui correspond bien à l’ambiance plutôt mélancolique des chansons, qui engendre une sorte de brouillard nostalgique, sans jamais tomber franchement dans le dépressif, heureusement. D’ailleurs le refrain « Sadness ! Sadness ! Sadness ! » de Pitfall est chanté avec une sorte d’enthousiasme naïf qui déleste largement la chanson de son spleen.
On remarque d’emblée les vocaux remarquables, qui distinguent le groupe de nombre de ses excellents concurrents / collègues français, chez qui la voix est régulièrement le point faible… même s’il y a un peu de morgue dans le phrasé d’Alexin, qui renvoie un peu aux inévitables Strokes, ou tout au moins au rock new-yorkais. D’ailleurs, F***k Head dérape justement vers la caricature avec son accent forcé. On notera aussi la chanson Major League en hommage à Pavement, semble-t-il une grosse référence pour le groupe, même si ce n’est pas forcément évident à la première écoute… mais finalement, c’est ça qui est plutôt intéressant, faire une musique qui, certes, peut évoquer plein de choses dans l’histoire du Rock, mais pas ses vraies références.
Hoorsees est principalement composé de tempos moyens, ce qui lui confère un air de famille avec le shoegaze d’un Slowdive par exemple, mais ce sont surtout les superbes mélodies qui font que, dès la première écoute on a envie de chanter avec eux, comme sur l’enchanteur Get Tired, qui transcende facilement toute mélancolie pour s’élever finalement à un niveau pas si courant chez un tout jeune groupe français, ou encore le plus enlevé Give It Up qui ensoleille littéralement la fin de l’album. Entre temps, Hoorsees aura même touché à une indiscutable splendeur, comme dans le mesuré, mais finalement plus ample, Videogames.
Il est bien sûr facile de reprocher à Hoorsees leur goût certain pour une forme de musique aujourd’hui datée, ou tout au moins, devenue « classique ». Pourtant, les sentiments exprimés par Hoorsees sont à la fois intemporels et universels, et leur efficacité mélodique jamais prise en défaut devrait pouvoir séduire une nouvelle génération d’adolescents (… et post-adolescents éternels) dont la musique actuelle ne satisfait pas les aspirations romantiques. C’est tout le mal qu’on leur souhaite !