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Le journal de Pok
21 novembre 2020

"La Mécanique Lucas Belvaux" de Quentin Mével et Louis Séguin : Faire des films qui parlent de notre époque...

La mécanique Lucas Belvaux

On aime surtout le cinéma de Lucas Belvaux grâce à la réussite étonnante de son ambitieuse trilogie datant de 2002, "Un Couple Epatant" / "Cavale" / "Après la Vie", coup de maître en termes de mélange des genres, de réflexion théorique sur le cinéma et les personnages, et de… plaisir pour le spectateur. Il nous faut bien admettre que tous ses autres films nous ont semblé à un moment ou un autre être un tout petit peu inférieurs à ce qu’ils auraient pu être. C’est donc avec une surprise vite teintée d’émerveillement qu’on lit, non qu’on dévore "La Mécanique Lucas Belvaux", le très court ouvrage (130 pages, et c’est tout !) que consacrent Quentin Mével et Louis Séguin à ce cinéaste… belge finalement beaucoup moins conventionnel que son « cinéma du milieu » (entre cinéma d’auteur et cinéma populaire) peut parfois le laisser penser !

"La Mécanique..." commence par une analyse pertinente – parfois surprenante d’ambition et de profondeur – de la filmographie de Belvaux par le critique Louis Séguin : même si le texte est brillant, même s’il interpelle quand il évoque en particulier les questions tellement d’actualité de la vérité, du témoignage et de la justice, on a parfois un peu de mal à réconcilier cette analyse avec les sentiments mitigés que nous ont laissé certains de ces films… il ne s’agit là que d’un hors d’œuvre avant le plat de résistance qu’est l’interview du cinéaste réalisée par Quentin Mével.

Soit une centaine de pages qui constituent au final l’un des meilleurs textes que l’on ait lu récemment sur le Cinéma, et qui, devant tant d’intelligence et de pertinence, donne forcément envie de revoir tous les films de Belvaux pour éventuellement les réévaluer, en fonction de la perspective que leur auteur nous apporte, aussi bien quant à ses intentions, ses décisions et ses choix, mais également les aspects purement techniques de la mise en scène, du montage, de la direction d’acteurs ! Ce que Belvaux nous raconte ici, film après film, c’est vraiment – et en toute transparence, en toute humilité – ce qu’est que fabriquer un film, à partir d’une idée ou d’une lecture jusqu’à une œuvre terminée qui puisse être distribuée et vue. Et quels sont les enjeux politiques, éthiques et moraux que le cinéaste doit affronter pour arriver à un « produit final » qui ne trahissent ni ses intentions, ni les attentes des cinéphiles qui vont encore voir un film pour, au-delà du divertissement, regarder sur un écran comment on vit, on meurt, on aime, on travaille, on se bat dans notre monde de moins en moins intelligible…

Belvaux admet très tôt dans l’interview que, acteur avant d’être réalisateur, se pensait « comme de l’école Jacques Rivette et John Cassavetes », avant de comprendre qu’il serait plus de celle de « Claude ChabrolBilly WilderErnst Lubitsch ou François Truffaut, qui pensent beaucoup leurs films, en échafaudent méticuleusement la mécanique ». Et il nous dévoile ensuite son travail de réflexion, ses efforts de construction de ces fameuses mécaniques, et c’est à chaque fois sidérant d’intelligence. Sans même parler que certains passages de l’interview s’avèrent presque bouleversants pour quiconque aime profondément le cinéma !

S’il faut chercher des noises à Seguin et Mével, alors que leur livre a été un tel ravissement, nous dirons qu’il est quand même dommage que et l’analyse et l’interview négligent complètement le travail important que Belvaux a effectué pour la télévision. Cela nous prive d’une compréhension complète et sur l’évolution du cinéaste, et sur les problématiques possibles – forcément passionnantes – nées de systèmes de production différents. Et cela dénote une sorte de sectarisme vaguement prétentieux bien déplacé à notre époque où la télévision a définitivement égalé le cinéma dans bien des domaines artistiques.

Notre suggestion à Playlist Society : publier une version longue de ce livre, intégrant tout le travail de Belvaux !

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