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Le journal de Pok
7 novembre 2020

"Kadaver" de Jarand Herdal : Shakespeare vs. l'holocauste nucléaire

Kadaver affiche

Au risque de nous répéter, ce qui est vraiment bien avec l'approche internationale de Netflix, c'est que la plateforme est capable de nous proposer des films de jeunes réalisateurs de plus en plus de pays différents, ce qui permet, en particulier à ceux qui n'ont pas accès facilement aux salles Art & Essai des grandes villes, de sortir plus facilement de l'épuisante routine du cinéma anglo-saxon. Au risque de nous répéter aussi, ce qui est pénible avec l'approche artistique de Netflix, c'est que la plateforme privilégie le cinéma de genre, qui est un domaine on le sait passionnant quand il est arpenté par des gens de talent, mais qui est finalement difficile à faire fructifier quand on n'a pas (encore ?) les compétences ou l'inspiration pour ça.

"Kadaver", premier long-métrage du jeune Norvégien Jarand Herdal, part de prémisses formidables (dans un monde ravagé par un holocauste nucléaire où la survie est difficile, un couple avec leur fille acceptent une invitation à participer à un jeu / pièce de théâtre interactive en échange d'un bon repas), qui s'appuient malgré leur invraisemblance sur une mise en scène intelligente, une image remarquable et une interprétation intéressante de la part de la protagoniste principale, Leonora (Gitte Witt, excellente...). Bref, avec une durée optimale inférieure à 1h30, on se prépare avec gourmandise à assister soit à une série B bien terrifiante et bien gore, soit à une parabole baroque sur les maux de l'humanité, soit encore, ce qui serait évidemment l'idéal, à une combinaison intelligente des deux.

Au bout d'une demi-heure stimulante (la belle idée des masques dorés distinguant les spectateurs des acteurs, les couloirs mystérieux du grand hôtel labyrinthique où est donnée la représentation...), on se rend compte que le film se met peu à peu à tourner à vide. Des choix scénaristiques improbables, voire complètement stupides (comme toujours, des personnages qui prennent des décisions idiotes, mais aussi une propension à injecter des éléments "surnaturels", jamais expliqués, au sein d'un récit qui devrait rester réaliste pour trouver son véritable sens) mènent peu à peu à des révélations éventées, qui nous laissent de plus en plus indifférents... jusqu'à une conclusion qui loupe complètement la charge symbolique que le thème initial détenait.

Les pantins qui se sont agités à l'écran n'étaient pas assez humains finalement pour que nous nous intéressions à leur sort, tandis que le film, pourtant conduit par Herdal au juste rythme, et souvent intelligemment mis en scène, échoue non seulement à transcender son sujet, mais même à l'illustrer de manière impactante : car comment réfléchir au destin de l'humanité, aux questions morales liées à la survie, ou, mieux encore, au rôle de l'Art (ici le théâtre shakespearien) lorsque l'on peine à nourrir sa famille, en regardant un film qui ne sait plus quoi raconter et enfile des scènes en dépit du bon sens ? Ce qui est quand même un comble quand on voit, répétons-le, la qualité du point de départ de "Kadaver".

Cela s'appelle une grosse frustration !

 

 

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