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Le journal de Pok
4 octobre 2020

Promenade sur les traces d'un géant, Neil Young : "Neil Young" (1968)

Neil Young

De cet album très à part dans la longue discographie de Neil Young, dont il marque le début officiel en solo (en ignorant sa contribution à Buffalo Springfield, ce qui serait une erreur bien entendu !), il m'est possible de faire deux critiques, l'une objective, l'autre beaucoup plus personnelle, car ce disque a été fondamental pour moi quand j'avais 15 ans.

1) La critique objective : On passe bien proche du désastre avec "Neil Young", ou en tous cas d'un début de carrière solo marqué par la poisse. Neil vient d'être débarqué de Buffalo Springfield, ou de se débarquer lui-même, du fait d'un conflit avec Steve Stills. Il s'enferme avec son copain Jack Nitsche en studio, et tous les deux enregistrent ces chansons - qui auraient certainement pu figurer sur un futur album du Buffalo - "avec un petit coup de main des copains" (Jim MessinaRy CooderEarl Palmer, le genre...). Neil n'a clairement pas encore une vision très claire de ce qu'il veut / peut chanter, et il fait feu de tout bois : country, pop, rock, jazz, soul, il touche à tout. Ses compositions sont inspirées, peut-être meilleures mélodiquement même qu'elles ne le seront jamais par la suite (Bon, "I've Been Waiting for You" fera l'objet de reprises par Bowie et les Pixies, donc pas besoin d'insister sur la qualité, je pense...), mais les chansons sont massacrées par une production désastreuse. On blâme l'utilisation à l'origine d'un système expérimental par la maison de disque, mais honnêtement, les remixes ultérieurs ne rendent pas le résultat plus convaincant. Aucune puissance, aucune profondeur, aucun relief, on frôle parfois la torture pour l'auditeur. Pire peut-être, Neil n'est pas confiant quant à sa propre voix (un comble !) et sur beaucoup de chansons, les vocaux sont noyés sous des chœurs soul, sous des cuivres intempestifs, et en général mal mixés.

Au final, on a un disque sans cohérence aucune, avec un son horrible, enveloppé dans une pochette hideuse, où l'on peine à discerner les extraordinaires caractéristiques d'un artiste qui va pourtant marquer son siècle. Et on se dit donc que la rencontre avec Crazy Horse, qui va conduire à un second album miraculeux quelques mois après, a bien été essentielle pour Neil...

2) Le point de vue personnel : Peut-être bien que cet album, plus encore que "Harvest" écouté quelques semaines avant, et qui m'avait convaincu à l'époque d'acheter toute la discographie de Neil Young à date ("Neil Young", "Everybody Know...", "After the Goldrush" !), a changé ma vie. En deux chansons. D'abord il y a "The Loner" - oui, malgré le mixage ridicule - à cause de ces solos de guitares dérangés et surtout de son texte qui me frappa très intimement, romantique comme j'étais à cet âge (avec les fameuses phrases : "There was a woman he knew / About a year or so ago / She had something that he needed / And he pleaded with her not to go / On the day that she left / He died, but it did not show").

Et enfin il y ces neuf minutes terribles de folie et d'intensité (abus de drogues, sans aucun doute !) de "The Last Trip to Tulsa", une chanson que j'ai écoutée plus de 200 fois je crois, dont le texte collait parfaitement - enfin je le croyais - à mon goût de l'époque pour l'écriture surréaliste ("I was chopping down a palm tree / When a friend dropped by to ask / If I would feel less lonely / If he helped me swing the axe / I said, "no, it's not a case of being lonely / We have here / I've been working on this palm tree / For eighty seven years""). Ce titre annonce la suite de ce que fera Neil Young, cette violence émotionnelle, qu'elle soit contenue dans des torrents d'électricité ou dans le chant solitaire d'une guitare acoustique, mais surtout il me donnera le goût pour les musiciens qui vont chercher une vérité cachée...

Bref, il m'est impossible, près de cinquante ans après, de réécouter "Neil Young", aussi critiquable soit-il, sans être envahi d'une sorte de tremblement existentiel. Et ça, ça compte !

 

 

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