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Le journal de Pok
10 septembre 2020

"I Know This Much Is True" de Derek Ciafrance : l'impuissance des Vaincus

I Know This Much Is True affiche

L’écrivain américain Wally Lamb, principalement auteur – à la fin des années 90 - de deux romans presque « classiques », ou en tout cas très bien considérés outre-Atlantique, "Le Chant de Dolorès" et "La Puissance des Vaincus" ("I Know This Much Is True", en VO…) est loin d’être célèbre en France. Derek Cianfrance, réalisateur, scénariste – et désormais show-runner – a surtout été remarqué chez nous pour "The Place Beyond the Pines", film réussi mais assez déprimant où Ryan Gosling justifiait sa célébrité naissante. La conjugaison de ces deux noms, même sous l’étiquette prestigieuse HBO n’a pas réussi à vraiment créer un quelconque intérêt chez les téléspectateurs français vis-à-vis de la mini-série "I Know This Much Is True", malgré la présence au générique du remarquable Mark Ruffalo – malheureusement assimilé, pour une partie de la très jeune génération, à son rôle de Hulk ! -, un acteur qui a souvent démontré son talent…

… Un Mark Ruffalo qui relève ici un nouveau défi, celui d’interpréter deux frères jumeaux aussi identiques (si ce n’est en termes de poids, Ruffalo ayant pris au moins une dizaine de kilos pour incarner Thomas, le jumeau schizophrène paranoïaque…) que dissemblables. Et au regard de son travail, on a très envie de le placer au même niveau d’excellence que l’inoubliable – et double - Jeremy Irons dans le "Dead Ringers" (… même si dans ce chef d’œuvre de Cronenberg, Irons ne pouvait même pas s’appuyer sur une quelconque différence physique pour distinguer ses deux personnages !). On devrait également souligner que le reste du casting est impeccable, avec en première ligne une Kathryn Hahn touchante, une Rosie O’Donnell puissante, et même un retour bienvenu de Juliette Lewis, aussi déjantée qu’à son habitude.

Pourtant, rien n’y a fait : on connaît même des gens de goût qui ont déclaré forfait à mi-course, harassés par cette déprimante course de fond au pays de l’horreur et du désespoir… Car la vie de Dominick Birdsey, le jumeau pas (trop) fou, n’est pas un jardin de roses, mais au contraire une succession quasi ininterrompue d’épreuves, de désastres, d’accidents, de deuils, de drames, combinant coups du sort, hasards malheureux et surtout tout un tas de très mauvaises décisions. Et finalement, si – même lorsqu’on est sensibles à la tension émotionnelle constante de la série – on a envie par instants de jeter l’éponge à mi-parcours, on réalise que l’on est surtout gêné par le fait que le personnage principal de "I Know This Much Is True", avec ses accès de colère irrationnels et son manque de respect par rapport à tous ceux qui l’aiment ou essaient de l’aider, est tout sauf sympathique. Et on se dit que raconter ainsi une histoire aussi dure tournant autour de protagonistes auxquels il est très difficile de s’identifier, sans offrir aucune échappatoire au téléspectateur, est pour le moins audacieux.

Au final, lorsqu’on a frôlé le pire (les abus sexuels, thème récurrent et menace permanente), ou plutôt lorsque le pire est advenu (la mort), que les révélations ont fait leur chemin dans notre tête nous offrant une perspective un peu différente sur l’histoire qu’on a regardée, on est totalement incapables de porter le moindre jugement moral sur les personnages (hormis sans doute sur le grand-père sicilien, salopard dantesque…). Et l’on reste avec ce sentiment troublant d’avoir vu une série qui aurait pu aisément se classer parmi les toutes meilleures de 2020, pour peu que Cianfrance ait décidé de laisser entrer un tout petit plus de lumière dans son scénario et dans la manière dont il l’a filmé.

 

 

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