"Perry Mason" de Rolin Jones et Ron Fitzgerald : Noir, c'est noir...
Quoi qu'on dise de leurs concurrents, HBO restent les rois d'une certaine Série TV "de qualité", conjuguant sophistication de l'écriture, réalisation et interprétation au niveau de la production hollywoodienne, et maturité des thèmes traités. Et ce très beau, et très noir "Perry Mason" en est encore une preuve indiscutable.
Projet conduit par une partie de l'équipe gagnante du formidable et méconnu "Boardwalk Empire", dans un registre similaire, avec Tim Van Patten à la réalisation et le de plus en plus fascinant Shea Whigham en second rôle pivotal, "Perry Mason" nous raconte donc la transformation d'un petit private eye miteux, dans la lignée Chandler/Hammett, en as du barreau, à la faveur d'une enquête frustrante et frustrée sur un kidnapping de bébé particulièrement atroce. Derrière la reconstitution très soignée du Los Angeles de la Grande Dépression, sans parler d'un détour éprouvant par les tranchées de la bataille de l'Argonne, Rolin Jones et Ron Fitzgerald vont finalement moins nous intéresser à une enquête policière complexe et archétypale, dont le spectateur connaît assez rapidement la résolution (alors que les enquêteurs se débattent vainement devant nos yeux pour la trouver...), qu'à une série de portraits de personnages complexes.
La noirceur absolue de "Perry Mason" repose bien sûr dans la représentation d'une société profondément malade de la première crise du Capitalisme, et cruellement injuste socialement et racialement, mais également, et c'est plus origina,l dans la reconnaissance des faiblesses et des failles que chacun porte en lui-même. Démissions, trahisons, mensonges, manipulations se succèdent, au point qu'il devient rapidement impossible de séparer les "bons" des "méchants" : l'ignoble policier corrompu nous touchera au détour d'une scène où son humanité resurgira, conte toute attente, alors que Perry Mason - formidable Mathew Rhys, qui confirme son talent après "The Americans" - se compromettra finalement dans une machination indigne, non sans avoir avant piétiné tous ses amis. Mais ce sont sans doute les seconds rôles qui sont les plus réussis : Tatiana Maslany est lumineuse en jeune femme brisée cherchant la grâce alors que sa mère la manipule (beau retour de Lili Taylor), tandis que John Lithgow est une fois de plus bouleversant en avocat que le temps qui passe brise peu à peu.
Si l'on ajoute que les choix finaux du scénario s'avèrent particulièrement audacieux, en assumant la déception inhérente aux compromis nécessaires pour continuer à vivre dans un monde aussi dysfonctionnel, voilà bien une nouvelle série qui promet beaucoup.