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Le journal de Pok
6 août 2020

"The Terror - Infamy" de Max Borenstein et Alexander Woo : mauvaise histoire de fantôme japonais...

The Terror S2 Affiche

Il est très difficile d’admettre comment, même pour une série TV qui se veut donc, visiblement, une série d’anthologie mêlant faits historiques réels et fantastique / horreur, on peut passer d’un récit d’explorateurs britanniques du XIXème siècle perdus dans les glaces polaires à une chronique des tourments infligés par le gouvernement américain à ses ressortissants d’origine japonaise pendant la seconde guerre mondiale. Et d’ailleurs, le manque d’intérêt général envers "The Terror", qui se positionne pourtant comme une série « de prestige », conjuguant moyens financiers importants pour reconstituer le cadre historique de son récit, et interprétation et mise en scène beaucoup plus soignées et ambitieuses que la moyenne du genre, confirme bien le flou funeste dans lequel le travail de Max Borenstein et Alexander Woo s’enlise.

Oublions donc l’existence d’une première saison, que nous avions d’ailleurs appréciée, et traitons ce "The Terror – Infamy" comme une mini-série à part. Le destin terrible que connurent les Américains (et les Canadiens, d’ailleurs) issus de l’immigration japonaise, depuis l’attaque de Pearl Harbor jusqu’à Hiroshima, est une histoire qui n’a pas été suffisamment contée à l’écran, et la série fait honneur à ces victimes d’une injustice d’Etat : tout ce qu’elle nous raconte de l’horreur de leur situation, de la haine et du mépris racistes dont ils furent victimes de la part de leurs citoyens américains, d’un enfermement qui durera plus de 3 ans dans des camps de concentration, de la privation de tous leurs droits tant civiques que simplement humains, de l’obligation pour les jeunes hommes de se comporter en martyres au combat pour leur « nouvelle nation » qui leur déniait la moindre parcelle d’humanité (ce qui nous vaut d’ailleurs quelques scènes saisissantes dans l’enfer des combats dans les îles du Pacifique)… oui, tout cela est passionnant, narré avec force et avec pudeur, avec un juste mélange de compassion et d’empathie. Nous rappelant qu’aucune culture n’est inférieure à une autre, qu’aucun être humain ne peut être catégorisé en fonction de critères aussi simplistes que son origine raciale ou géographique. Bref, un travail salutaire à une époque où les camps pour migrants fleurissent partout dans l’indifférence, voire la haine générale.

Si elle ne racontait que cela, l’histoire de cette… infamie, et jusqu’à la tragédie du massacre criminel d’Hiroshima, "The Terror – Infamy" serait une série indispensable. Venir greffer là-dessus une histoire de fantôme japonais est pire qu’une maladresse, c’est une faute ! Même si l’énigme familiale qui a donné naissance à la haine et au désir de vengeance du yurei (le fantôme traditionnel japonais, redevenu à la mode avec des films comme la série "Ring"…) est astucieuse, et nous vaut deux ou trois « coups de théâtre » bien vus et bien amenés, les scènes d’horreur proprement dites, la plupart du temps très gore mais pas vraiment cohérentes, rabaissent la série vers le genre très médiocre du shocker pour adolescents, créant une dichotomie entre les ambitions du thème politique et les effets effrayants bas de gamme des scènes fantastiques. Rajoutons le gloubi-boulga de l’amalgame entre rituels japonais et exorcisme mexicain, et on ne pourra sauver du massacre, à la limite, que les passages dans l’au-delà, conceptuellement malins, et surtout générateurs d’un vrai malaise…

C’était déjà d’ailleurs le problème de la première saison de "The Terror", finalement, ce monstre un peu cheap qui s’incrustait dans une ambiance qui aurait été plus oppressante sans lui, mais c’est encore plus criant ici. Et si la série finit très bien, dégageant une belle émotion lors d’une splendide scène de photographies familiales, on restera quand même avec le sentiment d’un triste gâchis.

 

 

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