"Dans les Vestiaires" de Timothé Le Boucher : la castration
Le succès récent des livres de Timothé Le Boucher a justifié une réédition de son "les Vestiaires" - datant de 2014 - sous le titre un peu plus exact de "Dans les Vestiaires", avec pour objectif de faire connaître une œuvre de jeunesse de l'auteur à son nouveau public.
Le sujet en est une description, au départ réaliste, puis s'enfonçant progressivement vers une outrance presque fantastique, des moeurs pour le moins primitifs, voire barbares des jeunes adolescents mâles, exacerbés par l'environnement sportif / scolaire. Création d'une hiérarchie tribale de domination des plus faibles / plus différents par les plus forts / ceux qui correspondent le mieux à la "norme", déploiement de vexations, humiliations et brutalité comme moyen de préserver l'équilibre social ainsi créé, mais aussi prépondérance du besoin de l'affirmation sexuelle la plus conventionnelle, rejet de la "différence" (pédé restant l'injure ultime !).... tous les schémas de la domination machiste, largement fascisante, se mettent en place dans le microcosme du Vestiaire, seul lieu "réel" : c'est la très belle idée graphique de montrer les quelques scènes d'extérieur comme floues - vues à travers le verre dépoli des fenêtres -, littéralement sans consistance.
L'intelligence du scénario de Le Boucher est d'échapper aux stéréotypes du genre en montrant très vite comment les positions dominant / dominé peuvent s'échanger sans que le système ne soit pour autant ébranlé. La faiblesse de "Dans les Vestiaires" est de se résoudre par la violence, de manière aussi improbable que caricaturale. C'est dommage car le récit promettait plus que ça !
Néanmoins, le plus gros problème du livre, qui lui enlève une grande partie de sa crédibilité, c'est la non-représentation du sexe masculin, alors qu'il est finalement le SEUL sujet de l'histoire ("est-ce que tu en as une plus grosse que moi ?", "est-ce que tu sais t'en servir ?") : cette soumission étonnante à une auto-censure contre-productive et probablement inutile désamorce largement l'intérêt de "Dans les Vestiaires", le châtre littéralement, le transforme en objet pudibond et... lâche.
C'est affreusement triste.