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Le journal de Pok
31 juillet 2020

"Stateless de Elise McCredie, Cate Blanchett et Belinda Chayko : "Accueillir toute la misère du monde..."

Stateless Poster

Notre monde va mal, c'est une évidence pour tout le monde. Mais sans doute encore plus criante pour les dizaines de millions (bientôt les centaines ?) de réfugiés forcés de quitter, souvent au péril de leur vie, leur pays en guerre, leur nation qui veut leur mort, leur continent où il n'est plus possible de même survivre. Des gens, comme vous et moi, entassés dans des refuges de fortune, livrés avec leurs enfants à la violence, ou bien, comme ceux dont "Stateless" nous raconte l'histoire, détenus dans des camps où ils attendent une décision administrative ou judiciaire de la part d'une administration étrangère hostile, débordée... une décision qui fera bien souvent la différence entre vivre ou mourir.

Mini-série australienne en 6 épisodes, co-produite par la grande Cate Blanchett - qui s'y est réservé un tout petit rôle particulièrement noir - "Stateless" a peu fait parler d'elle, en dépit - ou à cause ? - de son sujet fort. Et de plus en plus pertinent. La grande intelligence du script est de s'intéresser aux dégâts causés par la politique migratoire (ou son absence) des pays "riches" peu disposés à "accueillir toute la misère du monde" - comme disait quelqu'un qui aurait mieux fait de se taire ce jour-là - non seulement sur les demandeurs d'asile, mais également sur tous ceux chargés de l'appliquer : gardiens de camps dépassés et victimes parfois de leurs propres instincts "primaires", bureaucrates noyés par la complexité d'une tâche dont l'inhumanité les ronge peu à peu. Tous victimes, tous impuissants, tous banalement et simplement... humains.

On met par contre un peu de temps à admettre la présence dans l'intrigue d'une jeune femme australienne, instable et déséquilibrée par son passage entre les griffes d'une secte : malgré le jeu convaincant d'une Yvonne Strahovski qu'on retrouve avec plaisir après son beau rôle dans "A Handmaid's Tale", on peut trouver un tantinet gênant que la série semble avoir besoin d'offrir au téléspectateur l'opportunité de s'identifier à un personnage lui ressemblant plus qu'une immigrée afghane. Heureusement, la conclusion, très réaliste et donc loin d'être "feel good", mais refusant également le spectaculaire, justifie ce choix : la présence d'une Australienne dans un camp de réfugiés a eu, dans "la vraie vie", un effet révélateur des abus et de l'incompétence d'un gouvernement et d'une administration australienne aussi raciste qu'incompétente.

Le cadre magnifique mais inhumain du désert australien crée un remarquable effet d'asphyxie, d'oppression insupportable, et la réalisation, précise, réaliste de Jocelyn Moorhouse ("Proof") et Emma Freeman ("Secret City") font de "Stateless" une expérience intime forte. Sans clichés simplistes, sans solutions toutes faites, sans raccourcis généralisations, "Stateless" nous passionne, nous émeut, nous interpelle. Nous aide à mieux comprendre l'un des défis majeurs de nos sociétés, auxquels les politiciens prétendent toujours apporter des réponses faussement rassurantes.

Si "Stateless" n'est pas tout à fait une "grande série", c'est au moins un série indispensable, parce qu'elle change le regard que nous portons sur le monde, et donc sur nous-mêmes.

 



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