"Fauda - Saison 3" de Lior Raz et Avi Issacharoff : le temps de l'excès...
Malgré tous ses défauts, "Fauda" nous a intrigués, passionnés même parfois au cours de ses deux premières saisons, sans doute parce que, en dépit de ses gros travers idéologiques, elle nous donnait quelque chose à voir de ces territoires gangrenés par des décennies de guerre, quelque chose à saisir de la situation inextricable dans laquelle survivent les populations palestinienne et israélienne. Oui, "Fauda", malgré son désagréable côté de propagande "anti-terroriste" (soit le terme appliqué depuis toujours par les conquérants à ceux qui résistent à leur conquête, ne l'oublions jamais), nous parlait mieux que les reportages d'actualité de ce brasier de haine inextinguible.
Après deux saisons irrégulières, voici donc venu le temps de l'excès - puisqu'il faut toujours en faire plus, apparemment, pour garder le bon public devant son téléviseur - et de la perte de crédibilité attenante. Si la crainte israélienne – bien réelle – vis à vis de l’infiltration d’agents du Hamas grâce à des tunnels est a priori un excellent sujet, et si l'introduction de la saison - ses 3 premiers épisodes - est intéressante, parce que l'on nous montre un Doron (Lior Raz, toujours aussi peu convaincant, malgré son charisme certain) tellement infiltré dans la société palestinienne qu'il y a tissé de véritables liens d'affection, la série bascule rapidement ensuite dans l'outrance, cherchant le spectaculaire et la tension à tout prix, aux dépends de la crédibilité politique : la (trop) longue séquence de l'attaque commando en plein cœur de Gaza condamne toute la saison à ressembler cette fois à un simple instrument de propagande contre le Hamas et en faveur de la supériorité militaire israélienne.
Et si la fin, en anti-climax douloureux, est indéniablement belle, il y a belle lurette que la déshumanisation du personnage a priori emblématique de Bashar (Ala Dakka, sans doute un peu vert pour un rôle pivotal qui nécessitait plus de subtilité) a désolidarisé le téléspectateur de ce qui devait être, en théorie, le parcours emblématique d'un honnête homme vers la violence et la haine. Cette tragédie individuelle, indissociable de telles situations de guerre civile, qui aurait dû constituer le grand sujet de la saison, a été reléguée en arrière-plan par des scènes d'action et de suspense trop systématiques, et surtout par le fait que "Fauda" ne peut s'empêcher de nous montrer qu'un mort israélien compte plus qu'un mort palestinien.
Il est sans doute temps que "Fauda" s'arrête, avant de devenir franchement détestable.