"Upload" de Greg Daniels : pink mirror !
"Upload" a tout du pari insensé... Imaginez un peu : décliner les mécanismes de "Black Mirror" (le succès de la série de la plateforme concurrente Netflix a dû titiller les susceptibilités chez Amazon !) mais en les transposant dans un univers mi-comédie de mœurs, mi-rom com, mi-thriller : oui, cela fait trois moitiés, et c'est là que la bât blesse un peu, car Greg Daniels, quand même déjà responsable des notables "The Office" et "Parks & Recreation", et son équipe n'ont sans doute pas les épaules assez larges pour un tel mélange de genre digne du cinéma coréen !
Il nous faut reconnaître que la partie comique fonctionne comme sur des roulettes, grâce à une multitude de personnages très réussis, et que l'histoire d'amour sucrée est délicieuse, en grande partie grâce au charisme époustouflant de la lumineuse Andy Allo (retenez bien ce nom, car cette jeune actrice d'origine camerounaise risque bien d'incendier les écrans dans les années qui viennent...). Du coup, le suspense "policier" fait un peu les frais d'être réduit à la portion congrue, c'est-à-dire aux tous derniers épisodes - néanmoins excellents - de cette première saison.
Mais finalement, la seule grosse tare de "Upload", celle qui ne pardonne pas dans le monde ultra-compétitif de la série TV actuelle, c'est la lourdeur de son introduction - un épisode de 45 minutes (tous les autres sont au format 30 minutes...) parfaitement indigeste, peut-être nécessaire du fait de la complexité des situations à nous présenter -, mais également la relative maladresse des premiers épisodes suivants... comme s'il fallait que toute l'équipe, ds scénaristes aux acteurs, fasse un tour d'échauffement avant de trouver le juste ton.
Beaucoup des premiers téléspectateurs auront malheureusement abandonné la série avant qu'elle ne devienne absolument jouissive : car oui, nous sommes devant un phénomène rare de série qui devient meilleure à chaque épisode, peut-être d'ailleurs parce que notre attachement aux personnages quasiment tous adorables malgré - ou à cause - de leurs ambiguités, de leur complexité, croît de manière exponentielle au fur et à mesure qu'on progresse. On rira beaucoup devant nombre de gags très réussis et en même temps assez violemment critiques des dérives du capitalisme sauvage dans l'univers digital : curieusement, les marques / entreprises dont on se moque sont nommément citées, de L'Oréal qui fait la retape aux enterrements à Google dont les google cars deviennent de parfaits instruments criminels, en passant par Facebook qui espionne constamment ses utilisateurs.
L'inventivité dont font preuve les scénaristes est souvent explosive, comme par exemple lors de ce passage homérique dans le Dark Web où l'on peut tout acheter, ou bien dans la description sans pitié d'un monde (l'au-delà virtuel) où ceux qui n'ont pas les moyens sont réduits à végéter éternellement dans de sinistres cellules concentrationnaires où chaque émotion sera impitoyablement débitée de leur compte courant. Mais, avouons-le, cette approche - entre rires et désespoir - d'une SF prophétique, décrivant une société pas très éloignée de la nôtre, n'est pas ce qui nous attache à "*Upload" : c'est bien au contraire lorsque la série retravaille les classiques du cinéma "hollywoodien" éternel que sont l'apprentissage de la "morale" par un personnage peu recommandable emprisonné dans une situation anxiogène (il y a beaucoup de "Un Jour sans Fin" dans "Upload") et l'impossible histoire d'amour du fait de milieux "sociaux" incompatibles (ici, plus fort que tout, une histoire d'amour entre un mort et une vivante : "le Fantôme de Mrs Muir" ?), qu'elle devient - enfin - irrésistible.
Bref, entamée comme une série "bas de gamme" regardée par désœuvrement, "Upload" frôle le coup de cœur absolu. Son final à la fois poignant et angoissant - le retour du thriller, donc - nous laisse espérer une seconde saison du même niveau. Croisons les doigts.