"Westworld - Saison 3" de Jonathan Nolan et Lisa Joy : reset
A la fin de la seconde saison de Westworld, qui avait perdu une large majorité du public gagné par la première, Jonathan Nolan et Lisa Joy s’étaient retrouvés devant un véritable champ de ruines : plus personne de sensé ne comprenait rien ni à ce qu’ils voulaient nous dire de « tellement ambitieux », ni, et c’est beaucoup plus grave encore, ce qui était arrivé à des personnages dont on s’était progressivement détachés, à force d’être dans l’incapacité de saisir ce qui les agitait réellement (ne parlons même pas de « qui ils étaient », les mystères de l’identité et de l’humanité étant largement le sujet de la série).
Un « reset » était indispensable, et les showrunners ont eu l’intelligence de le faire : nouvel univers (celui de la race humaine, celui de la réalité, le monde des Parcs étant rapidement évacué avec quelques scènes assez grotesques dans l’Italie de la seconde guerre mondiale), nouvelle intrigue (les androïdes survivants et échappés des parcs d’attraction veulent se venger, en gros…) et nouveaux personnages, donc nouveaux acteurs, avec un Vincent Cassel ma foi assez convaincant en mode w-t-f et un Aaron Paul qui ne dépassera décidément jamais son personnage de Breaking Bad. On passe à une sorte de thriller politique (puisqu’on a le droit d’y voir des références aux mensonges planétaires et au contrôle perpétuel auquel on veut nous soumettre) dans une ambiance Sci-Fi lustrée, mais un peu esthétiquement dépassée avec cette accumulation de luxe et de technologie qui nous paraît désormais loin de notre véritable futur (on appréciera le design des véhicules… c’est déjà ça). Si on ajoute des combats spectaculaires, super-cools, et absolument pas crédibles plus ou moins à chaque épisode, Westworld saison 3, c’est un peu le reboot de Matrix pour 2020, mais sans, malheureusement, l’idée géniale à la base qui justifie tous les débordements.
Le sujet de cette troisième saison, c’est le « libre arbitre », ce qui prouve que, si la forme est devenue beaucoup plus accessible, voire ludique, l’ambition continue à être débordante chez Joy et Nolan. Pourtant, les scénaristes ne se décidant pas pour autant à rendre compréhensibles au simple mortel les péripéties de leur récit, le téléspectateur va avoir besoin à nouveau de se mettre en mode « je regarde, mais je n’essaie pas de comprendre ce qui se passe ! » pour pouvoir supporter la vision de ces 8 épisodes – au lieu des 10 habituels, ce qui est déjà un progrès ! Si l’on ajoute que la manière dont les humains sont privés de ce fameux « libre arbitre » par les diaboliques multinationales du Big Data qui contrôlent leur destin est pour le moins difficile à saisir, et que la quasi-immortalité de personnages au corps réplicable fait qu’on ne sent pas particulièrement préoccupé par quoi que ce soit qui puisse leur arriver, les limites de Westworld sont vite atteintes.
Moins sérieux, moins solennel, Westworld n’en est pas devenu plus intelligible, mais au moins il a regagné quelques points en matière de « divertissement SF », tout en sacrifiant – ce que l’on est en droit de regretter – une bonne partie de son originalité. Et, ce que la série n’a toujours pas trouvé, c’est le plus important, c’est-à-dire une « âme » : alors qu’elle n’arrête pas de nous dépeindre le calvaire de ceux qui n’en ont pas (… d’âme !), il est finalement triste que Westworld se contente d’être un spectacle hors de prix qui se préoccupe surtout de nous impressionner à travers des images bluffantes et des situations cherchant l’originalité plutôt que la vraisemblance. Quelque part, ce paradoxe montre l’échec du projet de Nolan et Joy.