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Le journal de Pok
29 avril 2020

"Code 8" de Jeff Chan : polar social ?

Code 8 affiche

Une chose que l'on doit reconnaître à Jeff Chan, c'est de croire à son sujet : après le court-métrage "Code 8" de 2016, il a écrit, produit et réalisé la version longue de son histoire en 2019, et on peut l'imaginer impliqué dans la préparation d'une série TV annoncée pour cette année. Pourtant, on doit aussi admettre que ce sujet, qui excite tant Jeff, n'a rien de particulièrement palpitant : on recycle ici encore une fois l'intégration de super-pouvoirs ("abilities") possédés par une partie de l'humanité dans le fonctionnement "normal" de la société, jusqu'à ce que les non-"doués" se retournent contre les "doués" dans un contexte de militarisation policière avancée et de restriction croissante des libertés individuelles. S'il y a une petite originalité dans le sujet de "Code 8", le film, c'est bien de faire de nos drôles de super-héros un nouveau lumpen prolétariat, se consacrant principalement aux tâches physiquement ingrates, et donc... progressivement remplacés par des machines.

Regarder "Code 8" en attendant un autre thriller de Science Fiction un peu conceptuel, comme Netflix en produit / met en ligne des tombereaux, n'apportera guère de satisfaction : tout ce qu'il y a à savoir et comprendre sur l'univers uchronique - plutôt que futuriste, car hormis en ce qui concerne les "Robocops" pas encore d'actualité, tout le reste ressemble furieusement à notre époque - est résumé dans le pré-générique, et le film, curieusement, ne proposera aucune évolution par rapport à ce point de départ.

Il est par contre possible, et même recommandé, d'ignorer largement les "pouvoirs" peu originaux et peu spectaculaires des protagonistes pour apprécier "Code 8" comme un simple (?) polar classique, réalisé par un jeune homme qui a potassé les filmographies de Michael Mann (le crime est un boulot comme un autre, et il y a des criminels plus professionnels que d'autres...) et de James Gray (la famille comme véritable épicentre de la tragédie, la tristesse et la poisse qui collent aux personnages...). Bien entendu, on est encore loin du travail de ces deux maîtres, mais on peut quand même admirer le soin apporté par Chan à ses personnages - ils sont tous intéressants, même si l'interprétation n'est pas toujours à la hauteur de l'écriture, et si l'on aurait aimé que le film dure, pour une fois, plus longtemps -, à la tonalité dépressive de nombre de scènes et, surtout, au contexte politique et social de son histoire.

Car la première partie du film (qui est d'ailleurs d'origine canadienne, ce qui n'est sans doute pas étranger à cette préoccupation "sociale" du scénario), montrant la vie humiliante des "travailleurs manuels" s'offrant chaque matin comme "chair à chantiers" à des entreprises peu éthiques, la précarité dans la vie quotidienne qui s'ensuit, et la collusion entre la répression policière et le capitalisme sauvage, est particulièrement bien vue, et s'apparente à une description lucide de ce qui est déjà le quotidien des classes laborieuses dans bien des pays où le libéralisme a triomphé. Si l'on ajoute la vision cruelle d'un système médical qui laisse de côté les plus démunis, et que l'on ne peut tout simplement pas s'offrir, même si l'on en meure, il faut bien admettre que ce film, au delà de scènes de braquage et de règlements de comptes des plus "classiques" (et c'est un compliment dans notre bouche...), a le mérite de nous parler de notre réalité, qui est bien plus saisissante que tous les "super-pouvoirs" de comic books.

 

 

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