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Le journal de Pok
8 novembre 2019

Last Train au Trianon (Paris) le mercredi 6 novembre

2019 11 06 Last Train Trianon (17)

21h : Le Trianon est rempli jusqu'à la gueule ce soir d'un public à l'enthousiasme délirant pour accueillir les Alsaciens préférés de la planète Rock française, un groupe dont la renommée a grossi, grossi, ces 2 dernières années au fil de prestations live dantesques qui positionnent désormais Last Train comme le plus plausible héritier de la couronne de plus grand groupe populaire national (… si une telle chose existe encore, des décennies après Téléphone et Noir Désir !)… Et ce, en s'appuyant sur une musique qui est tout sauf commerciale, qui ne caresse personne dans le sens du poil : il n'est d'ailleurs pas aussi facile de qualifier, de cataloguer Last Train que l'on pourrait le penser a priori. Jean-Noël, l'explosif chanteur, sonne comme un Liam Gallagher recyclé grunge, tandis que le “rock à guitares" du groupe n'est pas tant dans la lignée indie noise (The Jesus & Mary Chain / Black Rebel Motorcycle Club) que leur style vestimentaire et leur amour de l'obscurité déchirée de flashs de lumière blanche le laisseraient imaginer. Non, dès le premier morceau de la soirée, All Alone, il est clair que le déferlement de puissance sonore et les montagnes russes émotionnelles de Last Train n'appartiennent qu'à eux, et aucune référence commode ne résiste devant cette vague de sensations qui oscille entre post-rock abstrait et hard-blues dantesque, où les deux guitares de Jean-Noël et de Julien dialoguent et construisent un fulgurant labyrinthe d'extases dans lequel nous sommes tous invités à nous perdre.

Esthétiquement, ce que propose Last Train est tout bonnement superbe : de la disposition symétrique et rectiligne du matériel - avec l'alignement parfait des amplis Marshall de part et d'autre de la batterie bien au centre, à l'éclairage majoritairement blanc, en passant par le look strict et élégant des quatre musiciens, le soin apporté à l'aspect visuel est frappant (à l'image de la pochette du nouvel album, The Big Picture...). Mieux encore, sur une grande scène bien dégagée, la chorégraphie des trois musiciens arrive à la fois à être passionnante et spontanée : Last Train a un sens du - disons-le sans crainte - spectacle rock'n'roll (les gestes, les poses, les mouvements, toute cette élégance rageuse, toute cette classe impérieuse qui distinguent le Rock des autres musiques...) qui tranche avec le tout tout-venant. Bien entendu, le son est énorme, clair et parfait... même si le fait que nous soyons sortis de ce pandémonium de furie guitaristique sans acouphènes nous fait forcement regretter une époque où l'on pouvait encore jouer vraiment fort en live.

2019 11 06 Last Train Trianon (19)

Last Train aborde clairement ce concert dans un Trianon sold out, où nous découvrirons aussi que les familles des jeunes musiciens ont pris place au balcon, comme une étape symbolique importante de leur carrière, comme une sorte d’apogée temporaire de leur encore brève carrière. Ce soir, les quatre amis vivent leur rêve, et, devant un public extatique, conquis depuis le premier riff, ils vont avoir à cœur de nous offrir le meilleur de leur musique. Plus le set avance, plus l'enjeu semble élevé, et plus le pari paraît audacieux mais réussi. On l'a dit, la musique de Last Train n'est pas si aisément saisissable que cela, oscillant au cours de longues fresques sonores entre une sorte de classicisme du Rock à guitares heavy - de Led Zep à Nirvana (n'ayons pas peur des références lourdes !) et une expérimentation plus abstraite, déchirante et déconstruite qui les rapproche de leurs pairs des Psychotic Monks. On regrette par instants le manque de chansons plus directes, plus "pop" peut-être, qui offriraient une éclaircie au milieu d'un parcours à si haute teneur émotionnelle, mais on se laisse happer à nouveau très vite par la frénésie et la tension exceptionnelles de cette musique en lévitation.

Une heure s'est presque écoulée sans que nous y ayons pris garde, Jean-Noël marche littéralement sur l'eau, porté par la foule dans une fosse irradiante. C'est un grand moment. Mais le rappel va encore faire exploser tout cela, nous emmener plus loin encore. Vers les larmes.

Car ce rappel de trois titres alternant violence libératrice (Cold Fever) et douceur sublime (The Big Picture, immense morceau épique, qui sera l'absolu triomphe de la soirée) va voir advenir l'un de ces miracles si impensables, si rares qu'ils justifient à eux seuls une vie entière à faire ou à écouter de la musique. Tous les remerciements ont été formulés, les papas et mamans et les amis debout au balcon ont vu le triomphe de leurs enfants, les attentes du public ont été satisfaites, la soirée a été superbe, on n'espère plus rien d'autre... quand d'un coup, la digue se fissure, puis cède. Devant nous, juste devant nous, dans l'obscurité, les larmes se mettent à ruisseler sur le visage de Julien. Le chant magnifique de Jean-Noël semble se briser, la musique bascule dans un souffle vers autre chose : la grâce, le sublime, une sorte d'extase totale comme on en connait une ou deux fois, au mieux, chaque décennie. Les dernières minutes de ce concert seront comme une mise à nu de toutes nos émotions enfouies, qui se libèrent enfin sans retenue. Les lumières se rallument, la musique s'arrête. Sur scène, les musiciens s'enlacent, s'embrassent, en larmes. Autour de nous, plein de gens vivent la même chose : ici et là, on se serre dans les bras, on sanglote même. On ne se souvient même plus de la dernière fois où l’avoir vécu ça, une telle catharsis, une si belle libération.

Last Train nous remercie, mais c'est bien nous qui devons les remercier, encore et encore, pour ce qu'ils nous ont offert ce soir : un cadeau de vie, de beauté et d'amour. La preuve que la Musique est toujours l'Art majeur, qui fait résonner à l'unisson nos âmes et nous élève.

Last Train, au Trianon, le mercredi 6 novembre 2019. Une pierre blanche. 

 

 

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